Publié dans l’édition Printemps 2017 de la revue Rando Québec, Volume 28, numéro 3
Alors qu’un simple kilomètre ne prend que quelques minutes à parcourir, il aura fallu des centaines d’heures et des dizaines de milliers de dollars pour l’aménager et l’entretenir. Atteindre un sommet à la marche n’a pas de prix. Vraiment?
Pour le Sentier national du Bas-Saint-Laurent, ce parcours linéaire de 144 km, il en a coûté entre 2 000 et 3 000 $ du kilomètre pour aménager les sentiers. Ces frais excluent les ponts, les ponceaux et les passerelles. Dans le parc national du Mont-Mégantic, les coûts grimpent. Les sentiers faciles sont estimés entre 20 000 et 30 000 $, les plus difficiles à 40 000 $.
Une panoplie de facteurs peut influencer ces coûts, comme le type de relief, la végétation, la largeur du sentier et son degré de finition, ainsi que la signalisation. D’une étape à l’autre, les frais sont reliés aux matériaux, à l’équipement. La main d’œuvre représente aussi une dépense importante. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui explique la différence de coûts entre les sentiers gérés par des organismes à but non lucratif et ceux des parcs nationaux. Dans tous les cas, tous s’entendent pour dire que la planification est le meilleur investissement pour diminuer les coûts de construction et d’aménagement.
Les étapes vers un nouveau sentier
L’équipe du Parc régional du Mont-Ham est en plein dans cette étape de planification. Ce parc, situé dans les Cantons-de-l’Est, travaille sur un nouveau sentier multifonctionnel toute saison de 14 km, qui fera le tour de la montagne. « La première étape, c’est le repérage. À mon avis, c’est l’étape la plus importante », considère le coordonnateur pour la MRC des Sources et du Parc régional du Mont-Ham, Sylvain Valiquette.
« Ça prend des attraits et ça prend des avantages concurrentiels », précise-t-il. Dans son étape de repérage, M. Valiquette tente de débusquer des caps de roche, de gros arbres et des points de vue pour le plaisir des futurs randonneurs. Entouré d’une équipe d’aménagistes et de gens formés en foresterie, en biologie ou en environnement, il s’attardera aussi aux propriétés du terrain. Il sera question du degré des pentes, des zones humides à éviter, du respect de l’environnement et de la canalisation de l’eau. « Après, ce sera le défrichage, le coupage du bois et le ramassage. Une partie du bois coupé servira à faire des ponts, d’autres à faire du remplissage », explique-t-il.
À la Sépaq, on divise les étapes de la façon suivante : justification, caractérisation du terrain, design du tracé et réalisation des travaux. « La première étape est fondamentale », insiste Camille-Antoine Ouimet, responsable du service de la conservation et des services collectifs du parc national du Mont-Mégantic. « On veut s’assurer qu’après 5 ans ou 10 ans de fréquentation, on ne se retrouve pas avec un océan de boue et des problèmes avec des infrastructures brisées », explique-t-il. C’est aussi lors de cette étape que les parcs se demandent en quoi les nouveaux sentiers sont pertinents. La Sépaq s’y prépare près de deux ans avant la réalisation des travaux. Pendant cette période, on y effectue la caractérisation du terrain par, notamment, les inventaires bio et géophysiques. On s’y assurera d’éviter les zones d’espèces fragiles. L’étape du design du tracé suivra, où l’on pensera à éviter les obstacles, choisir les bons types de sols et maximiser l’expérience du randonneur par différents attraits. La réalisation des travaux clôt le cycle de la construction d’un nouveau sentier qui devra, par la suite, être entretenu.
L’entretien
Quelques outils manuels comme des scies mécaniques et des débroussailleuses, un quad et une remorqueuse constituent l’équipement qui a été requis pour aménager le sentier et qui servira à l’entretenir. La pelle mécanique sera requise pour des travaux de plus grande envergure. Dégager les sentiers, réparer les ponceaux et creuser les fossés pour s’assurer une bonne canalisation de l’eau font partie des tâches à accomplir pour garder un sentier en santé. Il ne faut pas non plus oublier la réparation ou l’ajout de signalisation ou de panneaux d’interprétation.
Selon Camille-Antoine Ouimet, du parc national du Mont-Mégantic, le temps et l’argent qu’exige l’entretien de sentiers pédestres ont été sous-estimés dans le passé. En conséquence, l’entretien d’aujourd’hui impose parfois la réparation des erreurs du passé, notamment dans le réseau de la Sépaq. « Il y a eu beaucoup d’improvisation, entre autres, avec l’utilisation du bois traité, mentionne-t-il. Au lieu de passer plus de temps sur le terrain, on construisait des structures pour franchir les obstacles. Depuis 2003, on a enlevé des centaines de constructions de ce type-là. Elles coûtaient très cher, n’ont pas duré longtemps et, du point de vue environnemental, ce n’était pas adéquat », indique-t-il. Depuis 2010, le parc national du Mont-Mégantic a réalisé une importante phase de développement. Même dans cette optique, le site a fermé 7 km de sentiers, pour en rouvrir 15 km, mieux aménagés.
Ce que déplorent plusieurs gestionnaires de sentiers, c’est que les critères des programmes de financement offerts rendent les budgets pour de nouveaux sentiers plus disponibles que pour l’entretien de ceux déjà en place.
Comment payer les factures?
Pour financer leurs opérations, les organismes à but non lucratif qui gèrent les sites de randonnée pédestre doivent être à l’affut de programmes gouvernementaux. Comme les programmes naissent et disparaissent au rythme des élections, il faut pratiquement avoir un projet prêt à être envoyé lorsque l’occasion se présente. « Dans les deux ou trois dernières années, les programmes ont été assez rares, fait remarquer Robert Gagnon, directeur général de la Corporation P.A.R.C. Bas-Saint-Laurent et bénévole pour le Sentier national au Bas-Saint-Laurent. Ce sont ceux qui planifient leurs affaires et qui sont les plus prêts qui ont le plus de chances d’aller chercher des programmes pour financer leurs travaux d’aménagement. »
Outre les programmes cycliques du gouvernement provincial, l’argent peut provenir de Villes ou de MRC, pour les parcs locaux ou régionaux, ou occasionnellement du gouvernement fédéral pour certains types de projets. D’ailleurs, certains sites, comme le Parc régional du Mont-Ham et le site Récré-eau des Quinze au Témiscamingue, ont bénéficié cette année de sommes pour réaliser un projet dans le cadre du 150e anniversaire du Canada. L’autre formule, qui contribue surtout à l’entretien, est la contribution des marcheurs, soit avec un coût d’entrée ou des cartes de membres. Les commandites du secteur privé viennent aussi à la rescousse dans certains cas.
Des modèles alternatifs
Récré-eau des Quinze, au Témiscamingue, a un modèle bien particulier, de la construction à l’entretien de son site. Ses six sentiers et sa piste cyclable de 27 km ont été aménagés sur un territoire qui appartenait à Hydro-Québec. La construction s’est échelonnée de 2004 à 2009, avec très peu de commandites en argent. « Hydro-Québec nous donnait des matériaux résiduels, au lieu de les vendre. On recevait du fer et du bois, entre autres. Avec le bois qui était bon, on construisait des ponts, des passerelles, des belvédères. Le fer, on pouvait le revendre. Nous avons reçu près de 100 000 $ en valeur de matériaux résiduels », raconte Jacques Larouche, responsable « terrain » au conseil d’administration de l’organisme.
Pour l’entretien, Récré-eau des Quinze s’en tient à un budget annuel approximatif de 10 000 $. Un réseau d’« Amis » a été développé afin de distribuer la responsabilité de l’entretien à un bénévole par sentier. « Si on n’avait pas ça, on ne pourrait pas survivre », estime Jacques Larouche. Une école secondaire de la région a, quant à elle, hérité du contrat d’entretien de la piste cyclable et de la signalisation, faite à partir de bois de grève. Cette aide est jumelée à celle de deux corvées par année et à celle d’un étudiant qui est engagé chaque été par l’entremise d’une subvention salariale de 4 000 $.
Si le bénévolat sauve la vie à de nombreux réseaux pédestres, certains administrateurs de sentiers souhaiteraient qu’un programme d’aide financière soit implanté pour contribuer à payer l’entretien, particulièrement pour les réseaux de longue randonnée situés dans les régions à faible densité de population.
ÉMÉlie Rivard-boudreau
Émélie Rivard-Boudreau est une journaliste localisée à Val-d’Or, en Abitibi-Témiscamingue. Elle travaille comme journaliste à la radio et au web de Radio-Canada en Abitibi-Témiscamingue. Comme journaliste pigiste, elle a collaboré à d’autres médias écrits et web, notamment La Terre de chez nous, Planète F, la Gazette des femmes, Rando Québec, et Opérations forestières. (Coup de pouce, Naître et grandir, Bières et plaisirs)
En 2015, elle remporté un prix de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) dans la catégorie Article de quotidien ou d’hebdomadaire écrit, pour son article Femmes de mines paru dans La Gazette des femmes. Depuis mars 2017, elle est vice-présidente de la FPJQ – Abitibi-Témiscamingue.