Afin de combler le déficit nature et favoriser l’activité physique chez les jeunes, Rando Québec appuie des projets permettant la pratique de la randonnée pédestre et la découverte du plein air. Découvrez notre programme Jeunes en sentier et faites un don dès aujourd’hui!
Rando Québec est allé à la rencontre de Julie Tousignant, qui est intervenante à l’école secondaire Édouard-Montpetit dans le quartier Mercier–Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Elle nous explique pourquoi la randonnée pédestre et la raquette sont primordiales dans sa mission d’accompagnement des jeunes. Pour ceux et celles qui suivent un chemin d’apprentissage plus sinueux et plus parsemé d’embûches, mais qui finalement se révèle très inspirant, cette approche leur apporte beaucoup.
Texte : Jean-Luc Caillaud, directeur général de Rando Québec, et Julie Tousignant, éducatrice spécialisée
Photos : Julie Tousignant
Bonjour Julie, pourrais-tu me décrire les particularités de ton métier?
Mon titre est celui d’éducatrice spécialisée. Je fais de l’intervention auprès de la clientèle adolescente et je ne suis pas clinicienne, donc je ne fais pas de thérapie par la nature, ce qui est important de spécifier. Je me sers de la nature comme technique d’impact dans mes interventions. Je travaille principalement à l’adaptation scolaire au premier cycle avec des jeunes qui ont des troubles d’apprentissage, de comportements, des troubles anxieux. Certains peuvent avoir des enjeux de toxicomanie, de santé mentale et bien souvent une très faible motivation scolaire.
Ça fait donc beaucoup de clientèles différentes que je gère en totalité. Je suis sollicitée en permanence puisque je suis affectée à 9 groupes, soit environ 150 élèves sur les 1400 jeunes qui fréquentent l’école secondaire.
Ta clé de réussite, avec ces jeunes, c’est l’intervention par la nature et le plein air. Principalement la randonnée et la raquette. Comment cette idée t’est-elle venue en tête?
En fait, je fais de la randonnée depuis l’âge de sept ans. Donc je connais bien l’activité, les sentiers du Québec, y compris dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Je suis moi-même une personne anxieuse, mais quand je suis en nature, ça me fait énormément de bien. C’est une source de renouvellement pour mon énergie et j’y retrouve une grande zénitude.
Je me suis alors dit que si ça fonctionnait pour moi, ça pourrait fonctionner pour les jeunes. Depuis la pandémie, le nombre de jeunes qui ont des troubles anxieux ou des manifestations d’anxiété a littéralement explosé. Il ne s’agit pas juste d’anxiété généralisée ou de performance; on parle d’une augmentation de l’hyperactivité, des troubles de comportement chez les jeunes et d’une baisse de motivation scolaire.
Je me suis mise à lire sur la randonnée et sur tout ce qui a rapport avec la nature. Je me suis rendu compte que plusieurs spécialistes disaient qu’être en nature pouvait aider à régler pas mal de problématiques, y compris chez les jeunes.
Pour donner suite à cela, je suis allée à la rencontre de la direction de l’école afin de proposer un projet d’intervention spécifique. J’ai mentionné que je voulais monter un projet d’intervention en lien avec la nature afin de parler de ses bienfaits et des changements que l’on peut vivre lors des expériences en plein air. Je voulais cibler des points spécifiques en intervention pour aider les jeunes dans leur quotidien. C’est ainsi que le projet est né.
Quelles activités pratiques-tu avec les jeunes et comment cette approche peut-elle faire la différence dans la réussite et l’atteinte de tes objectifs et aussi des leurs?
J’interviens souvent auprès d’eux et je les rencontre quotidiennement. Je suis d’une nature très sensible et observatrice, je vois donc bien des choses chez eux. Quand je leur ai parlé de nature, plusieurs ne savaient même pas de quoi je parlais. « Aller marcher en forêt, pour quoi faire? » Dans le groupe visé, il y a des jeunes issus de l’immigration et même s’ils viennent de Montréal, certains ne sont pratiquement jamais sortis de l’île.
J’ai discuté du projet avec les élèves en classe. Leur première réaction n’était pas très positive. J’ai donc organisé une première sortie à Oka. Sachant que plusieurs n’avaient jamais fait de randonnée, j’avais déjà planifié d’aller sur des sentiers plus faciles. C’était quand même un défi que je leur proposais parce qu’ils ne croyaient pas à l’activité. Pour eux, la forêt, la nature, c’est sans intérêt, ça n’apporte rien. Devant résistances et craintes, mon défi a été de garder le cap avec mes convictions et d’y aller. Finalement, quand nous sommes revenus de notre sortie, leurs propos étaient tout le contraire de ce qu’ils avaient pensé avant la sortie. Les jeunes ont clairement verbalisé que ça avait été pour eux une très belle expérience et qu’ils avaient aimé leur aventure.
Les randonnées suivantes se sont faites avec beaucoup plus d’enthousiasme de leur part et ils étaient prêts à relever de nouveaux défis sur les sentiers. Durant l’hiver, je les ai emmenés faire de la raquette. Certains dans le groupe ne savaient même pas ce que c’était. L’un m’a dit : « Pourquoi prendre une raquette (de tennis) pour aller se promener? » Ce fut donc une belle découverte pour eux. La troisième randonnée s’est déroulée au parc du Mont-Tremblant, dans le secteur de La Diable, où nous avons fait le sentier du Lac Poisson. La température était parfaite, les jeunes étaient excités de faire cette randonnée. Malheureusement, il avait beaucoup plu les jours précédents et les sentiers étaient très boueux, mais les jeunes se sont tellement amusés! Que du plaisir et des rires durant cette journée qui fut très mémorable pour nos élèves.
Peux-tu nous parler d’acquis, d’apprentissage en lien avec la randonnée pédestre que les élèves découvrent par leurs différentes expériences en plein air?
La persévérance. Pour eux, c’est bien difficile de se projeter vers un objectif. Que ce soit la réussite d’un niveau d’étude ou la réussite d’un examen. La randonnée nous montre que grâce à la persévérance, grimper une montagne peut être fait sans être aveuglé par la peur de l’échec. Grâce à ses spécificités de douceur dans son intensité physique et sa simplicité technique, la randonnée se révèle adéquate pour surmonter les caractéristiques du manque de confiance dans une aventure de groupe. La boue, les roches, les racines n’altèrent pas la progression. Un pas à la fois. La résistance du départ fait peu à peu place à la confiance. En haut, la fierté d’avoir réussi et les sourires du succès se font voir. Les jeunes apprennent à croire en eux, en leurs capacités. Ils comprennent qu’avec un peu d’effort, on peut réussir.
Un autre aspect important concerne l’immersion dans un milieu naturel, plus particulièrement les sentiments ressentis et l’écoute la nature. Le silence, qui est plutôt rare en classe, se manifeste en nature. Un autre acquis que les élèves ont intégré, du moins pendant quelques heures, est de devoir se passer de leur téléphone cellulaire. Ils ont survécu!
Le programme Jeunes en sentier a été une aide pour l’école, afin de permettre la réalisation de certaines activités, mais en réalité, les moyens actuels dédiés à ce genre d’approche pédagogique sont-ils quasi inexistants?
Je ne peux pas dire que les moyens sont inexistants, mais disons qu’ils ne sont pas exclusivement dédiés à ce genre d’approche. Le programme Jeunes en sentier est une référence dans mon projet. Je veux le mettre de l’avant. J’ai aussi la chance d’avoir un directeur qui m’a ouvert une porte cette année en m’accordant un budget pour la réalisation de mon projet. Malheureusement, je ne sais pas si ce financement sera disponible l’année prochaine. Ce qui est dommage dans les écoles, c’est l’accessibilité aux budgets pour des projets comme le mien, qui sont plutôt rares.
Cette année, le programme va pouvoir se faire, mais l’année d’après s’il n’y a rien, ça pourrait disparaître. La clientèle en adaptation scolaire n’est souvent pas la plus riche. Ce sont des familles qui sont parfois financièrement et sociologiquement démunies. Donc, le fait de permettre aux jeunes d’évoluer en nature, de leur offrir d’autres horizons, c’est gagnant, parce que les parents voient une porte s’ouvrir pour leurs enfants. D’une façon plus générale, Rando Québec a été aussi une source de référence technique et d’outils pour se préparer, autant avec l’équipement que de l’expertise, afin de bien organiser nos sorties.
Quelles différences ces initiatives exacerbent-elles dans cette approche pédagogique d’apprentissage?
On s’est rendu compte que sur le plan pédagogique et scolaire, les élèves qui revenaient des randos étaient beaucoup plus ouverts aux apprentissages. Les enseignantes de ces groupes sont aussi les accompagnatrices dans l’activité de randonnée. Pendant l’activité, on va parler de sciences, de mathématiques, de géographie et de français. De retour en classe, les enseignantes reprennent les apprentissages amorcés en plein air. Avec les groupes plus turbulents, on observe un apaisement au retour des sorties. Plus la fréquence des sorties se matérialise, plus la durée de l’apaisement dans le temps est conséquente.
Quelles sont les réactions des jeunes au retour de leurs aventures?
J’ai mis en place une approche introspective. Les jeunes ont tous un cahier dans lequel ils transmettent leur ressenti, leurs apprentissages ou leurs émotions. Afin de faciliter leur démarche, je les aide en les guidant et en acceptant que cette introspection écrite puisse se faire dans leur langue maternelle, puisque j’avais quelques élèves hispanophones dans mon groupe l’année dernière. Au départ, plusieurs jeunes n’allaient pas très bien, mais au fur et à mesure que le projet avançait et que les jeunes se sentaient de mieux en mieux dans les activités, cela se traduisait positivement dans ce qu’ils écrivaient dans leur cahier. Cela me permet d’intervenir ensuite spécifiquement avec chacun d’eux.
« La randonnée, ça m’apporte de la joie, du bonheur.» (Maria)
« Être en nature m’a apporté de la relaxation. » (Marie-Jane)
« Ça m’a fait me sentir bien et c’était calme. » (Joshua)
« Je me sens mieux à chaque fin de randonnée. » (Cédrik)
Le directeur de l’école, Martin Talbot, a également été rencontré, afin de recueillir son témoignage sur sa vision et sa détermination à proposer des activités en nature aux jeunes de l’école. Pour ce passionné de plein air, cela se résume de façon très claire et très sobre. « L’accès à la nature est un vecteur de persévérance scolaire, de découverte et de conscientisation, concernant le respect et la protection de ces environnements naturels », témoigne-t-il. Comment ne pas finir cette belle immersion sans saluer et féliciter certains de ces jeunes? C’est une classe calme et accueillante que je suis allée rencontrer. Je leur ai promis que nous allions parler de leur projet dans notre revue et que je reviendrais leur porter un magazine à chacun et à chacune.
On a parfois besoin d’un guide pour nous accompagner dans les activités de plein air. À l’école secondaire Édouard-Montpetit, c’est la randonnée qui guide ces jeunes vers la réussite.
Cet article est initialement paru dans la revue « Randonnées au cœur du patrimoine »
Dans cette revue de printemps 2023, le patrimoine est à l’honneur. Nombreuses sont les infrastructures ou les panneaux d’information qui permettent de découvrir des facettes méconnues de lieux de randonnée. Prenez le temps de vous attarder à ce patrimoine et les histoires qui les entourent le temps d’une sortie en plein air.