Après son parcours de plus de 1500km sur le Sentier national au Québec à l’été 2020, Catherine Turgy répond aux questions les plus fréquemment posées sur son aventure en solo:
L’Appalachian Trail (AT) était ton tracé original, quelles étaient tes expériences passées avant de t’embarquer dans un tel périple?
Ça faisait déjà quelques années que j’allais visiter les montagnes du Vermont, du New Hampshire et des Adirondacks, mais pas plus de 3 ou 4 sorties par année. En 2017, j’ai fait mon premier multijour sur la Pemi Loop (que je ne recommande pas pour débuter!), dans les White Mountains, puis quand j’ai eu le déclic que je voulais me lancer sur l’Appalachian trail, j’ai refait quelques multijours, surtout en solo, sur le Sentier national et dans les Adirondacks. J’ai complété les 46 sommets des Adirondacks à l’été 2019 et fait quelques longues distances de course en sentier en me disant que c’était un bon entraînement pour ce qui m’attendait sur l’AT! Finalement, quelques-uns des sommets des 46 se sont avérés être beaucoup plus techniques que ce que j’ai pu expérimenter sur le sentier en Géorgie!
Quel était le poids de ton sac à dos?
Le poids de base de mon sac tout équipé était de 13,6 lb. En ajoutant la nourriture et l’eau, cela pouvait varier entre 20 et 29lbs selon la longueur du segment à faire en autonomie.
Quelle était ton autonomie approximative en termes de jours de nourriture?
Ça variait entre 3 et 9 jours de nourriture, tout dépendant de la distance entre les ravitaillements. Le plus long a été la région de Charlevoix, 163km en 8 jours de l’entrée de la Traversée jusqu’à Saint-Siméon. Je prévois toujours 1 à 2 jours d’extra « au cas où ».
Pourquoi avoir choisi le hamac plutôt que la tente?
C’est un choix bien personnel côté confort et cela dépend beaucoup du terrain sur lequel on s’aventure. Le principal avantage du hamac c’est qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un terrain parfaitement plat, bien drainé et exempt de mousse ou de végétation à protéger. Tant qu’il y a des arbres matures et qu’on a les bonnes sangles (minimum 1 po pour ne pas endommager l’écorce), on peut s’accrocher partout où c’est permis. Au niveau du poids, le hamac, incluant les cordages, l’isolant pour se protéger de la fraîcheur du sol et la toile protectrice, n’est pas tellement plus avantageux que la tente puisqu’il est maintenant facile de retrouver sur le marché des tentes ultralégères pesant moins de 2lbs. S’endormir les jambes légèrement surélevées, suspendue entre 2 arbres et bercée par le vent est pour moi la récompense ultime à la fin d’une grosse journée de randonnée.
Est-ce que tu as expérimenté des problèmes d’ampoules ou de blessures aux pieds?
J’ai toujours une période d’ampoules dans les arches de pieds au printemps lorsque je fais la transition entre mes bottes d’hiver et mes souliers de randonnée. Mais au courant de ce périple : rien! Je m’assurais par contre de rincer mes pieds en mi-journée lorsqu’il faisait chaud et de bien les faire sécher avant de me rechausser. Le truc qui fonctionne pour moi : 2 couches de bas! Une couche de base mince avec orteils (Injinji) et une couche en laine de mérinos par-dessus, ça évite les frottements et je pouvais marcher des heures les pieds mouillés sans avoir froid et sans que la peau se ‘’décolle’’.
À quel point as-tu été affectée par la pluie? Est-ce que ta protection était suffisante?
J’ai été choyée d’avoir eu un superbe été! C’est difficile à dire tant qu’on n’a pas été confronté à 4-5 jours de pluie consécutifs… Je suis arrivée à rester au sec malgré quelques orages d’après-midi et quelques jours de pluie et de grands vents en Gaspésie. Mon sac est hydrofuge, mais n’est pas étanche (comme la grande majorité des sacs à dos!) alors pour protéger mes vêtements secs et mon sac de couchage, je l’ai doublé avec un grand sac de poubelle 3 mils d’épaisseur (sacs pour travaux de construction). Je prenais soin de ranger ma bâche et ma toile de sol mouillées par la rosée à l’extérieur du sac afin qu’ils s’égouttent et sèchent un peu en cours de journée. Côté vêtement, j’ai un ensemble imperméable ultraléger (veste à capuchon et pantalons), mais je n’ai eu besoin des pantalons qu’une seule journée en haute Gaspésie pour me protéger du vent et du froid. Je déconseille fortement les vêtements techniques dits « imper respirant » qui ne sont pas étanches pour une journée complète de marche sous la pluie. Le bon vieux polyester 20D laminé de silicone est idéal pour rester au sec!
Est-ce que tu portais un cellulaire afin de t’aider dans ta localisation? Si oui, est-ce que la recharge s’avérait un problème?
Oui! C’était mon appareil photo et mon outil de communication numéro 1 lorsque j’avais du réseau. Par contre, pour que ce soit un outil fiable, je téléchargeais à l’avance mes cartes ou utilisais l’application Maps.me pour m’orienter au besoin dans les endroits où il n’y a pas de couverture cellulaire. Il était également protégé dans un étui étanche et antichoc. J’avais avec moi un bloc de charge de 13 000Mha qui me permettait de le recharger jusqu’à 5 fois entre les ravitaillements, ainsi que ma lampe frontale et ma montre GPS. La plupart du temps il était en mode « avion » pour éviter qu’il ne s’épuise en cherchant du réseau sans arrêt.
Quelles ont été les difficultés que tu as rencontrées?
Les droits de passages retirés où le sentier passe sur des terres privées… c’est à mon avis le plus gros obstacle à la longue randonnée au Québec. Le contexte de pandémie rendait également plus difficiles les possibilités d’hébergement, les réservations de camping et le transport entre les tronçons. Ça demande plus d’organisation et de flexibilité.
Est-ce que tu t’es parfois retrouvée en situation dangereuse, à cause de la température, des gens ou des animaux?
Des gens, jamais! Des animaux encore moins. Lorsque je croisais le chemin d’un orignal, je lui laissais son espace et attendais respectueusement qu’il passe son chemin avant de continuer le mien. Nous sommes sur leur territoire quand on circule dans les sentiers, notre présence ne passe pas inaperçue (ils nous sentent bien avant qu’on les aperçoive!), mais je m’efforce de me faire la plus petite possible pour ne pas perturber leur quotidien, que ce soit un castor, un ours, un chevreuil ou un renard, tout en profitant du spectacle avec gratitude quand l’un deux accepte de se laisser observer de loin.
C’est de la météo dont il faut se méfier le plus! L’été les nuits peuvent nous surprendre et être plus froides que prévu, c’est primordial d’avoir un bon sac de couchage et des vêtements secs pour la nuit. On a la chance au Québec d’avoir de l’eau douce à profusion dans nos forêts. Même en pleine canicule je n’ai pas manqué d’eau une seule fois et je pouvais filtrer et boire facilement 4 litres d’eau par jour en marchant.
La situation la plus dangereuse dans laquelle je me suis retrouvée : avoir à marcher 9 km le long de la 132 sur la Côte-de-Gaspé par une journée de pluie, de vent et de brume épaisse. Les camions et véhicules récréatifs de touristes pressés nous frôlant à pleine vitesse dans les courbes ont sans doute été le plus grand danger de tout le trajet!
Si c’était à refaire, quels éléments verrais-tu à corriger?
Moins jouer à l’écureuil et transporter moins de nourriture sur moi. Je suis très insécure côté nourriture et j’ai toujours peur d’en manquer, mais finalement, je me retrouvais toujours à en traîner beaucoup trop! Une seule journée d’extra bien calculée m’aurait suffi.
Si cela n’avait pas été un Plan B et que j’avais pu prendre le départ plus tôt vers la mi-mai, je serais partie du tout début, à Gatineau, pour le faire d’une seule traite. Qui sait… avec tout le travail qui est fait présentement pour bâtir et préserver le Sentier national, ça sera peut-être possible de le faire en continu dans un futur rapproché!
Catherine Turgy
Marcheuse de longue distance, Catherine est capable d’user 3 paires de souliers en un seul été et de manger pour 3 lorsqu’elle vit sur les sentiers. De par sa profession en conception de produits, elle cherche toujours à simplifier et améliorer son équipement et est toujours partante pour partager ses astuces et connaissances. Elle a un radar pour les petits détails que la nature met sur son passage et n’hésite pas à s’arrêter pour observer chaque petit insecte qui croise son chemin. Ses pieds ont foulé les 46 sommets des Adirondacks et parcouru de nombreux chemins dans les Appalaches, à la marche comme à la course, mais c’est le Sentier National au Québec qui occupe la plus grande place dans son cœur de randonneuse.