Une nuit de préparation pour le Shack à Réal avec les élèves de l’école Sophie-Barat.
Ils se nomment Manuel, Antoine, Gaëlle, Aubert, Alice, Marco, Émile, Lara… Ils sont jeunes, chaleureux, drôles, fougueux et même un peu fous. Oui, parce que pour dormir à -21 degrés un soir de semaine à l’extérieur sous un petit bivouac et dans son sac de couchage, ça prend du courage et surtout, un brin de folie.
La soirée débute dans le local de plein air de l’école : un sous-sol rempli à craquer d’équipement de toute sorte; skis de fond, bâtons de marche, barils d’expédition de canot, bivouacs, sacs de couchage… une véritable caverne à Alibaba du plein air! Chacun est concentré sur une tâche très importante: monter son bivouac avant tout, à l’aide d’un tapis de sol, d’un matelas et d’un bon sac de couchage muni d’une doublure à l’intérieur.
Il y a comme une odeur de bonheur, d’excitation, de crainte, le tout saupoudré de cette folie mentionnée tout à l’heure. Armés de leur lampe frontale, ils marchent quelques minutes pour rejoindre le petit boisé à côté de l’école. C’est là qu’ils passeront la nuit. Pour transporter le tout, chacun s’est trouvé un petit traîneau.
« La randonnée, en fait, la marche, c’est la base de tout en plein air et dans la vie en général », raconte Éric Laforest, enseignant en éducation physique et chef de la meute à l’école Sophie-Barat.
« En camping d’hiver, la marche permet d’activer notre corps et éviter de complètement geler sur place. Elle est à la base de l’activation de notre système de thermorégulation de notre corps », ajoute-t-il.
Notre petite meute de loups et de louveteaux marche d’un pas assuré vers le boisé malgré le froid qui s’est invité à notre petite soirée. Le système multicouche que les jeunes ont appris au courant de l’année prend aujourd’hui tout son sens. Tranquillement, ils s’installent en groupe. Ensemble, on garde plus facilement la chaleur… et c’est beaucoup plus sympathique!
Avant de partir en randonnée nocturne pour rejoindre la butte de neige et s’amuser comme des fous, la petite meute se rassemble autour d’Éric et moi. Chacun leur tour, ils prennent la parole :
– Je crois que cette année, je vais être un leader. Je vais enfin prendre ma place pour de bon…
– Moi, je ne réalise pas encore qu’on part seulement dans quelques jours…
– Pour toutes sortes de raisons dont j’ai discuté avec Éric, dans la vie je suis souvent stressée… en fait… je suis stressée souvent à cause de mon père… être loin de la ville, du stress, de la pression… c’est ça que j’ai besoin…
Chaque fois qu’un jeune prend la parole, je prends de plus en plus conscience de l’impact du plein air dans leur vie.
Un réveil dur pour les petits orteils
Avant de m’installer dans mon bivouac, Éric me fait signe. « Il y en a une gang qui va avoir froid aux pieds demain matin… certains sont allés se coucher en laissant leur botte humide dehors… »
Leçon numéro 1 : En camping d’hiver, l’eau et l’humidité sont vos pires ennemies.
Afin d’assurer une bonne préparation pour le Shack, Éric a glané quelques trucs et astuces de plusieurs articles parus dans les dernières années sur le camping d’hiver. On y retrouve même une liste d’aliments à prioriser en camping et en randonnée d’hiver et les paroles de Emmenez-moi de Charles Aznavour.
Et bien sûr la fameuse phrase d’origine norvégienne :
« Il n’y a pas de mauvaise température, seulement de mauvaises façons de se gérer! »
Le réveil est donc plutôt, comment dire, saisissant pour certains! Les bottes humides d’hier se sont transformées en blocs de glace. Pas facile d’y glisser ses petits pieds gelés!
Une heure plus tard, après avoir défait le campement, la meute se regroupe à nouveau dans le local pour faire un retour sur la nuit et rire de nos petites gaffes et des bottillons gelés!
Un club de plein air pas comme les autres
« Tu vois le dessin sur ce t-shirt? Cela représente les cerceaux de l’intérieur d’un arbre, et il y en a 21 pour les 21 ans du club de plein air. », me raconte Éric en me donnant mon chandail à manches courtes.
J’ai l’impression de faire partie du groupe malgré les 14-15 ans qui me séparent d’eux. Petit retour dans le passé, à l’époque où je portais des broches et que je peignais mes cheveux avec le fer à repasser de ma mère.
À l’école secondaire Sophie-Barat, le plein air a sa place depuis maintenant plus de 21 ans. Randonnée pédestre, ski de fond, raquette, chien de traîneau, rien n’est à l’épreuve des jeunes membres du club de plein air l’Escapade.
« Les p’tits de secondaire 1 et 2 sont déjà en train de se préparer pour le Shack, sans vraiment le savoir. » Parmi la gang de grands loups et louves, il y a des petits louveteaux qui regardent avec des yeux brillants leurs aînés en espérant eux aussi faire partie de la meute des anciens un beau jour.
Oui, le Shack à Réal et à Éric, ça se mérite. En plus d’être impliqué dans le club, il faut être en secondaire 4 ou 5 pour pouvoir participer. « Je dois choisir parmi une cinquantaine de jeunes », me raconte Éric. Chacun doit avoir deux lettres signées par deux de leurs enseignants. Ils doivent aussi avoir un comportement exemplaire au courant de l’année et démontrer qu’ils sont « en avance », dans le sens qu’il pense en fonction du bien-être du groupe en s’investissant entièrement. »
Éric me présente finalement Réal. Le vrai Réal du Shack à Réal. Il me raconte quelques anecdotes du Shack, mais aussi de son passé en tant que père de famille d’accueil. Un conteur captivant qui accueille depuis de nombreuses années les élèves de l’école.
En tout, ils seront 26 à partir cette année pendant 10 jours sans eau, Facebook ou Snapchat. Un défi de taille hors de l’ordinaire pour des jeunes issus de la génération « full-hi-techno-machin ».
L’objectif pédagogique : Apprendre à gérer sa routine le soir en camping d’hiver. Et, officieusement : Créer un lien d’appartenance au groupe et développer une chimie d’enfer entre eux.
Parce que chaque jeune qui se reconnecte à lui-même et à la nature, c’est un peu d’espoir de plus qui se rajoute dans l’univers.
Laura ducharme
Intervenante, animatrice et formatrice, Laura Ducharme a réalisé de nombreux projets de théâtre d’intervention au Mali, au Chili, en France et en Haïti. Dans les dernières années, elle a assuré la direction clinique de l’Étoile, pédiatrie sociale en communauté du Haut-Richelieu. En tant qu’intervenante et blogueuse bénévole, Laura a accompagné des jeunes de 15 à 18 ans atteints d’un cancer lors de l’expédition Évasion. Elle a aussi couvert l’expédition le Double Défi des Deux Marios, également organisé par la Fondation Sur la Pointe des Pieds. Elle coordonne la mise en place du programme MAIKANA en partenariat avec MEC, Esplanade Mtl et Zoothérapie du Haut-Richelieu,
1 commentaire
Bon matin,
Des projets de randonnée pédestre sont certes des sources d’apprentissages multiples et variés pour des jeunes de tous âges. Dans cette optique, il m’apparait intéressant et louable que votre organisme s’associe à des partenaires des secteurs de l’éducation et du communautaire, notamment. Pour les connaître assez bien, j’ai confiance que ces derniers possèdent déjà des ressources humaines, matérielles, organisationnelles et même financières pour une bonne réalisation de projets de cette nature. Je trouve que le citoyen, le contribuable payeur est de plus en plus sollicité, de toutes sortes de façons; les demandes salariales des mieux nanties n’étant pas les moindres… Elles font certes déjà partie de l’un de vos publics-cible. Salutations.