Pour notre deuxième longue randonnée au parc Kluane, nous avions comme projet d’explorer le sentier de la rivière Slim Ouest, situé plus au nord. Nous espérions parcourir ce sentier pour observer le glacier Kaskawulsh depuis le sommet du mont Observation, une montagne que l’on atteint avec carte et boussole. La présence d’ours depuis quelques semaines a obligé Parcs Canada à fermer temporairement ce sentier. Lors de notre préparation, nous apprenons qu’il est encore fermé. Changement de plan…
Après discussions avec les guides du parc, nous choisissons finalement une randonnée vers une montagne située non loin de Haines Junction, qui nous apparaît idéale pour notre désir d’aventure : le mont Martha Black et ses sommets environnants (dont Auriol Peak et Martha Black E3), ainsi que son glacier.
Jour 1 : Auriol Trail
Un tel parcours n’est pas un sentier balisé et n’est donc généralement pas proposé aux visiteurs. Il faut s’orienter soit avec une carte topo, soit en se donnant des repères visuels, ou les deux. Comme nous sommes en milieux subalpin et alpin, offrant une assez bonne visibilité sur de longues distances, nous choisissons de partir sans carte. Seules quelques indications des guides du parc suffiront à nous orienter.
Nous sommes le 29 juillet. Nous nous faisons déposer à l’entrée d’un sentier d’accès, Auriol Trail, une boucle de 15 km balisés. Nous l’empruntons pour les 8 premiers kilomètres afin d’atteindre une section dégagée plus à l’ouest, où passe le ruisseau Auriol. Celui-ci provient de cette chaîne de montagnes que nous souhaitons atteindre. Rendus au ruisseau, c’est là que les choses se compliquent.
Nous devons bifurquer vers l’arrière-pays en longeant d’abord le ruisseau, jusqu’à une moraine élevée. Mais avant, nous devons traverser une brousse assez dense le long de ce ruisseau. Il nous faut du temps pour trouver le meilleur parcours. On voit des sections plus dégagées ressemblant à des sentiers faits par les animaux. On essaie de suivre tant bien que mal ces sections qui facilitent grandement notre déplacement.
Après quelques centaines de mètres de déplacement en zigzags, nous arrivons sur une plaine alluviale que nous suivons sur 2 km. On atteint la moraine du côté sud, élevée et à pic, que nous escaladons pour nous rendre sur son plateau.
C’est là que l’on installera notre camp, à partir duquel nous rayonnerons au cours des deux prochains jours. Nous montons notre tente et nous nous installons au pied des montagnes Auriol Peak et Martha Black E3, plus précisément dans un pré, tout près du col formé par ces montagnes.
Jour 2 : entre monts et vallées
Ce matin-là, nous sommes entourés par une brume épaisse qui couvre les sommets environnants. Nous décidons d’attendre un peu avant de partir vers la vallée qui conduit au mont Martha Black 1. Notre objectif, pour cette journée, est de nous rendre au fond de cette vallée glaciaire, jusqu’au pied de la crête qui permet de monter vers le sommet. (Sommet que nous ne grimperons pas, puisque nous ne sommes pas assez bien équipés.)
Après quelques heures d’attente, nous décidons, malgré une faible visibilité, de nous aventurer en direction nord. Il est 11 h. Si nous n’y allons pas à ce moment-là, nous savons que cette journée sera gâchée. Lentement, en observant attentivement le terrain et les montagnes à notre gauche, nous progressons vers notre destination. Le terrain est peu accidenté, mais très mou dans ce secteur alpin. Nous croisons parfois des buissons en grappes que nous devons traverser. Ceux-ci étant assez bas, il est facile de s’orienter.
Après plus d’une heure de marche, nous décidons de monter quelques centaines de mètres afin d’obtenir un point de vue. La brume commence à se dissiper très lentement. Il est un peu plus de midi. Nous nous asseyons sur la crête de cette montagne pour prendre quelques minutes de repos avant de continuer. C’est à ce moment que la brume, si épaisse il y a une minute encore, se dissipe rapidement, tant par l’effet du vent que par le soleil bien présent en cette fin de matinée.
Le décor qui s’offre à nous est simplement majestueux. Face à nous, paraissant si près vu son immensité, une autre crête apparaît. Cette deuxième crête est située juste de l’autre côté d’une petite vallée que nous devrons traverser pour nous rendre vers une autre vallée, beaucoup plus vaste : notre destination.
Après une autre heure de marche, nous atteignons enfin la vallée qu’il faut emprunter pour rejoindre le sommet de Martha Black 1. Cette vaste et profonde vallée est plongée dans l’ombre des montagnes qui l’entourent, malgré un soleil bien présent. La vallée est sombre aussi en raison du sol rocailleux et gris qui contribue à cette teinte. Le fond de la vallée, quant à lui, est fermé par des parois aux teintes noires.
Tout au creux de la vallée serpente une rivière tonitruante s’écoulant parfois entre deux sections du glacier, parfois sous le glacier dont on aperçoit de temps à autre les tranches de plusieurs mètres d’épaisseur. Ce glacier est recouvert, en majeure partie, de roches et de poussières qui se sont décrochés de la montagne au fil des années.
Le terrain sur lequel nous évoluons n’est pas de tout repos car, d’une part il est en pente et, d’autre part, nous y avançons perpendiculairement. De plus, il est constitué de roches instables qui, parfois, se décrochent et dévalent la pente jusqu’au creux de la vallée. Cette roche est parfois assise sur de la glace, ce qui rend glissantes certaines sections du parcours. Nous y progressons tout de même sur environ 2 km. Nancy décide de s’arrêter là. Je continue sur près de 2 km supplémentaires afin d’atteindre le fond de la vallée et, donc, le pied de la crête où débute une longue ascension vers Martha Black 1.
C’est à cet endroit que je constate l’autre versant du col de montagne que nous avons contourné, soit MB E3. Tout juste de l’autre côté se situe notre campement. Il est curieux de penser que ce dernier, via ce col, est si proche, surtout par rapport à notre longue marche de la journée, mais à la fois si loin, vu le périlleux parcours qu’il nous faudrait affronter pour y retourner en empruntant ce même col. Il est 17 h, je retourne pour rejoindre Nancy.
Le retour se déroule sans ennui et relativement rapidement. Nous sommes de retour au campement vers 20 h 30.
Le jour 3 de cette sortie fut assez simple
Quelques petites randonnées autour du campement pour voir un peu mieux l’environnement où nous nous trouvons. Il fait un temps radieux. C’est donc le moment propice pour faire ces découvertes. Un de nos objectifs pour cette journée est le retour vers Haines Junction, pour une dernière nuit dans cette section du Parc Kluane.
Armand Comeau
Armand est un adepte de plein air depuis plus de 25 ans. D’abord actif en ski de fond et en vélo de route, c’est en 1997 que la montagne l’attire par l’ascension de sommets québécois. Détenteur d’un baccalauréat en sciences de l’activité physique et d’une maîtrise en administration des affaires, c’est en 2008 qu’il explore davantage des sommets aux États-Unis et ailleurs dans le monde. En 2010, il se rend au Népal pour réaliser un trek de deux semaines dans les Annapurna. En 2011, ce sont les Rocheuses canadiennes puis le sommet du mont Blanc à Chamonix en 2013. Se succèdent les sommets et les longues randonnées : les Rocheuses (en ski), les Alpes pour la randonnée, le GR20 en Corse, le Laugavegur en Islande, le Yukon en arrière-pays, les Chic-Chocs, la Traversée de Charlevoix, le Sentier des Caps, etc. Il guide à quelques reprises dans les montagnes Blanches et suit des formations spécialisées en carte et boussole, premiers soins.