Ce qu’il faut savoir pour se lancer
En planifiant ma première longue randonnée, j’ai vite réalisé que la nourriture représentait un poste de dépense considérable. Surtout si j’optais pour les repas lyophilisés, ces sachets de repas en vente dans les magasins de plein air. Même en ne prenant que les quantités nécessaires pour les soupers, je me serais trouvée à payer l’équivalent d’une sortie au resto par jour pendant un mois complet! Mon budget me criait de trouver une autre solution. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser à la déshydratation…
Texte et photos : Rosaly Boutin
La déshydratation est une méthode de conservation qui a fait ses preuves depuis belle lurette. Avant l’arrivée des réfrigérateurs et des congélateurs, il fallait bien trouver des moyens ingénieux pour préserver la nourriture durant de longues périodes afin d’avoir une alimentation variée tout au long de l’année. Dans The Dehydrator Bible – le livre que je me suis empressée d’acheter pour découvrir cet art de la préservation – on confirme même que « Presque toutes les cultures anciennes ont développé une sorte de technologie de déshydratation pour préserver des aliments en tout genre incluant le poisson ou la viande de la chasse. [traduction libre] ». Avec une bonne dose de soleil ou de feu, on parvenait à allonger la vie des vivres en en extrayant toute l’eau, car ce sont l’eau et l’humidité, finalement, qui sont principalement responsables de leur détérioration. Il suffit, grosso modo, de les retirer de l’équation et de disposer le tout dans un endroit sec jusqu’à consommation.
Ah! et un autre catalyseur de pourriture : le gras. Il entraîne un processus qu’on appelle la « rancidité oxydative ». Autrement dit, il s’agit d’une réaction entre l’oxygène et les matières grasses qui s’enclenche même si nous retirons toute humidité jusqu’à la dernière gouttelette. C’est pourquoi certaines denrées déshydratées se conservent moins longtemps que d’autres malgré la meilleure volonté du monde.
Four ou déshydrateur?
De nos jours, nous n’avons plus besoin de déposer nos pièces de poisson au soleil en nous croisant les doigts pour qu’il ne pleuve pas pendant les prochaines heures. Il existe une option qui permet de créer un environnement chaud contrôlé, grâce à la magie de l’électricité : le déshydrateur.
Si le four s’avère tentant, il faut savoir que sa température la plus basse ne se compare pas à celle d’un déshydrateur. Ce dernier peut être réglé à des températures entre 105 et 165°F (de 41 à 73°C), contre 170°F (77°C) au minimum pour un four. La différence pour un aliment? Sa capacité à conserver ses nutriments au terme de la déshydratation. Comme nous voulons que nos plats remplissent pleinement leur rôle nutritionnel, tout particulièrement en longue randonnée, l’investissement en vaut la peine. Surtout qu’il se révèle rentabilisé dès la préparation de quelques mets qui remplacent les dispendieux repas lyophilisés.
Le charme se prolonge
Si le budget m’a amenée à m’intéresser à la déshydratation, j’ai vite réalisé que les avantages ne s’arrêtaient pas là. En effet, cette méthode permet, d’abord et avant tout, d’alléger le poids des aliments. Une fois l’eau retirée, ils ne pèsent presque rien. Quant à leur taille, elle s’en trouve considérablement réduite. Lorsqu’on traîne son garde-manger sur son dos, ça fait TOUTE la différence! Il ne reste plus qu’à laisser notre souper se réhydrater dans l’eau. Si celle-ci est préalablement bouillie, il ne faudra qu’une dizaine de minutes, mais le processus fonctionnera tout de même avec une eau non chauffée, à condition d’être un peu plus patient ou patiente. Environ une heure et le tour est joué – et c’est vite passé si nous laissons le tout dans une gamelle fermée pendant que nous marchons!
La déshydratation s’avère aussi intéressante pour le contrôle qu’elle nous offre sur notre assiette. Contrairement aux repas lyophilisés ou aux sachets de type Knorr, dont la liste des ingrédients peut parfois sembler cryptée de mots inconnus, nous choisissons et connaissons chaque aliment. Nous savons précisément ce qui nous fera carburer pendant notre aventure en plein air. Que nous ayons des préférences ou des restrictions alimentaires ou encore que nous tenions à privilégier les aliments locaux ou bio, un monde de possibilités s’ouvre à nous. Notre alimentation nous appartient.
Les règles du jeu
Comme pour la cuisine, la déshydratation s’apprend et nécessite de la pratique. Des erreurs, vous en ferez, comme j’en ai fait. J’ai saisi l’importance de blanchir certains légumes lorsque j’ai déshydraté de fines tranches de patates, sans traitement préalable. Le résultat infect a pris le chemin du compost! J’ai appris, à mes dépens parfois, qu’il existe certains commandements de la déshydratation.
1- Quelques légumes doivent être blanchis dans l’eau chaude ou à la vapeur (pour une durée qui varie selon l’aliment) avant d’être déshydratés. La chaleur détruit naturellement les enzymes qui contribuent à la perte de saveur et aux changements de texture ou de couleur pendant la conservation. À considérer dans la liste : asperges, brocoli, carottes, chou-fleur, céleri (optionnel), aubergine (optionnel), fenouil, panais, patates et rutabaga.
2- Certains aliments ne conviennent pas à la déshydratation à la maison pour différentes raisons. Soit parce que ce n’est tout simplement pas possible à déshydrater par soi-même, soit parce que le processus est trop long, soit parce que le taux de matières grasses ne permet pas de conserver la nourriture sécuritairement. Ainsi, il vaut mieux s’abstenir de se lancer dans le projet des avocats, des mûres, du fromage, des œufs, du lait, de la peau de volaille ou encore des viandes, du poisson ou des condiments (comme la mayonnaise) riches en gras.
3- La durée de conservation dépend de la qualité de l’entreposage et de l’aliment en question. L’exposition à l’humidité, à l’air, à la chaleur, à la lumière du soleil et le temps affectent la nourriture déshydratée. À titre indicatif, selon The Dehydrator Bible, un jerky maison se conserve à température pièce environ un mois (six si réfrigéré et un an si congelé). Pour les fruits et légumes, les pois chiches, les fèves, les lentilles, le riz, l’orge, les pâtes, on parle généralement de plusieurs mois sans problème!
4- Certains fruits et légumes sont naturellement enveloppés d’une membrane protectrice qui empêche l’eau de s’évaporer. C’est le cas des raisins, des bleuets, des tomates ou des cerises, par exemple. Il faut donc percer la peau à plusieurs endroits ou trancher l’aliment pour que le processus de déshydratation puisse s’enclencher.
5- Laisser trop longtemps un aliment dans le déshydrateur ne comporte aucun risque alors que le retirer trop vite est problématique si l’humidité n’a pas entièrement été évacuée. Patience! Il importe de vérifier la texture de la nourriture en la touchant, en ouvrant quelques morceaux au besoin. Par ailleurs, la taille des fragments et leur exposition à l’air influencent le temps requis pour les déshydrater. Plus ils sont petits et bien étalés, plus ils se déshydratent rapidement; plus ils sont gros ou superposés, plus ils prennent de temps.
De formidables ressources existent pour découvrir le monde de la déshydratation. En ligne, les recettes de Kevin Outdoors se méritent l’admiration de nombreux randonneurs et randonneuses. Avec essais et erreurs, nous pouvons aussi adapter nos propres recettes, dès que nous comprenons comment préparer chacun des aliments grâce à un ouvrage de référence. Il suffit de cuisiner différemment, en évitant les matières grasses, quitte à apporter un sachet d’huile sous vide pour bonifier notre plat lors de nos expéditions. Dans tous les cas, il importe de faire confiance à notre vue et à notre odorat : dans le doute, il vaut mieux s’abstenir! Mais le plus grand risque de la déshydratation, c’est de prendre goût à la préparation de nos propres repas lorsque nous les dégustons enfin, au cœur de la forêt!
Découvrez notre guide de l’alimentation en randonnée!
Cet article est initialement paru dans la revue de printemps 2024
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