Nous avons tous, à un moment ou à un autre, expérimenté la déshydratation lors d’une randonnée. Les effets sont très désagréables, mais saviez-vous qu’un manque d’hydratation peut engendrer une cascade de problèmes dans votre organisme pouvant même mener à la mort? Plusieurs questions se posent: comment devrait-on s’hydrater? Peut-on trop boire? Que devrions-nous boire en randonnée? Voici un survol de l’essentiel à savoir sur l’hydratation avant de partir pour votre prochaine randonnée.
PAR EMMANUEL DAIGLE, GUIDE DE RANDONNÉE CERTIFIÉ PAR L’ACMG
Pourquoi boire?
Avant d’aborder l’épineuse question de la quantité optimale d’eau à boire ou de la façon de s’hydrater, il est primordial de bien comprendre l’importance de l’hydratation et plus particulièrement de connaître l’impact de l’eau sur notre corps.
L’eau est essentielle au bon fonctionnement de notre corps et un manque d’hydratation a des répercussions sur certaines fonctions essentielles comme :
- Notre métabolisme (l’eau entre dans toutes les réactions chimiques cellulaires)
- Le transport des nutriments (l’eau est la principale composante du sang et le sang transporte les nutriments aux cellules)
- La digestion
- L’élimination des déchets métaboliques
- La thermorégulation
On comprend que le maintien d’une bonne hydratation est primordial et qu’un manque d’hydratation aura des impacts certains sur notre performance sportive. Une mauvaise hydratation augmente notre risque de blessure musculo-squelettique et, peut aussi affecter notre prise de décisions, augmenter nos courbatures du lendemain et, en saison froide, accroître notre risque d’hypothermie.
Crédit photo : Dominique Caron
Quelle est la quantité optimale ?
Cette question n’est pas simple. Beaucoup de facteurs influent sur la quantité d’eau à boire pour garder un niveau d’hydratation optimal. La chaleur ambiante, l’intensité de l’activité, notre gabarit… Il faut donc ajuster notre niveau d’hydratation selon tous ces facteurs. Pour vous donner un ordre de grandeur, une personne sédentaire adulte devrait boire environ de 1,5 à 2 litres par jour.
Idéalement, il faudrait boire de petites gorgées régulièrement plutôt que de boire d’une traite une grande quantité d’eau. Personnellement, je suggère en randonnée de boire au moins une petite gorgée toutes les 10 à 15 minutes. Si vous ressentez la soif, n’hésitez pas à écouter votre corps et à boire! Par contre, ne vous fiez pas exclusivement à votre sensation de soif, car il a été démontré que si vous optez pour cette tactique, vous ne boirez pas suffisamment.
Peut-on trop boire?
La réponse simple est : oui. L’hyponatrémie est un mot qui est de plus en plus connu, car plusieurs athlètes ont subi de graves problèmes à la suite de l’ingestion d’une trop grande quantité d’eau lors d’événement sportif comme un marathon. En fait, l’hyponatrémie est en quelque sorte une « intoxication » à l’eau. En buvant une quantité d’eau supérieure au volume d’eau perdu, on crée un débalancement du pH sanguin (équilibre acido-basique) et la concentration en sodium dans le corps devient trop basse, ce qui peut avoir de graves conséquences : perte de conscience, coma et dans les cas extrêmes, la mort.
Restons réalistes, les problèmes de déshydratation sont beaucoup plus fréquents que les problèmes d’hyponatrémie. Il faut essayer de boire régulièrement durant notre randonnée pour tenter de compenser la quantité d’eau perdue. La déshydratation, même minime, va entraîner une importante réduction de la performance. N’oubliez pas que nous perdons de l’eau par la sueur, l’urine, les selles, la respiration, etc. Un truc assez simple pour voir si nous nous hydratons de façon optimale est d’avoir une urine abondante et claire.
Crédit photo : Dominique Caron
Les boissons de réhydratation
Il y aurait beaucoup à dire sur ces fameuses boissons. Il faut retenir qu’elles ne sont pas toutes égales et que certaines peuvent créer plus de problèmes que de bienfaits. En privilégiant une alimentation un peu plus riche en sodium qu’à l’habitude pour votre randonnée, vous éviterez ainsi les « débalancements » potentiels de votre pH sanguin (ex. : jus de légumes, noix salées)
Il faut savoir qu’une boisson de réhydratation contient généralement du sucre (sous différentes formes) et du sel (sous différentes concentrations), ainsi que d’autres ingrédients. La chimie entre tous ces ingrédients devient donc très complexe et il est souvent très facile de tomber dans le piège de la publicité. Si vous optez pour ce genre de boisson pour refaire le plein de sels minéraux perdus par la sudation lors de votre randonnée et pour refaire vos réserves de glucose, je vous suggère d’y aller avec des produits en poudre que vous pourrez plus facilement doser. Faites toujours un test avant de partir pour une longue randonnée afin d’éviter les problèmes gastro-intestinaux et vous assurer du bon goût.
Le truc du guide
Lorsque je guide une longue randonnée, je suggère d’ingurgiter environ 750 ml d’eau avant la sortie. Ayez toujours 3 litres d’eau avec vous pour votre longue sortie. De cette façon, vous serez autonome en eau et vous ne dépendrez pas d’un ruisseau ou d’une autre source. En buvant de petites gorgées toutes les 10 à 15 minutes, vous serez toujours bien hydraté peu importe la température ambiante ou l’intensité de votre rando. Au retour, je suggère de boire l’équivalent d’environ 1 litre d’une boisson de réhydratation contenant du sodium afin de compenser les pertes par la sueur qui n’auraient pu être compensées par la nourriture durant la journée. S’il fait très chaud durant votre rando, vous pourriez avoir 1 litre sur 3 qui contient des sels de réhydratation et des glucides.
Crédit photo : Dominique Caron
Gourde ou sac d’hydratation?
Il y a évidemment des avantages et des inconvénients à chacun des systèmes.
Voici un petit résumé des deux systèmes:
Sac d’hydratation
Avantages
- Facilité à prendre fréquemment de petites gorgées sans s’arrêter
- Tendance à boire davantage (très recommandé)
- Poids bien réparti dans le sac à dos
Inconvénients
- Pas très performant durant l’hiver (tendance à geler malgré certains trucs)
- Pour un long séjour, difficile à gérer en ce qui concerne
les bactéries. L’embout est en contact avec le milieu
(risque accru de contamination) - Demande un entretien qui n’est pas facile en randonnée
Gourde traditionnelle (ex : gourde Nalgene en lexan à gros goulot)
Avantages
- Solidité à toute épreuve; peu de risque de bris
- Facile à gérer toute l’année (plus facile de garder son eau au chaud en hiver) et facile à nettoyer
- Faible coût par rapport aux sacs d’hydratation
Inconvénients
- Moins bonne accessibilité, ce qui engendre « potentiellement » une moins bonne hydratation
- Répartition du poids dans le sac à dos moins équilibrée
- Arrêt obligatoire pour s’hydrater
Comme vous voyez, l’hydratation est une des clés du succès de votre randonnée, en permettant le fonctionnement optimal de votre corps. Par contre, assurez-vous d’avoir une eau de qualité, car l’eau est source de vie, mais peut facilement devenir source de gros problèmes en plein air. Nous verrons dans un prochain article comment s’assurer d’avoir de l’eau potable en toutes circonstances lors de nos randonnées. D’ici-là, hydratez-vous et partez à l’aventure!
Le saviez-vous?
En altitude (2 500 mètres et plus), la perte d’eau par la respiration est doublée par rapport à celle observée au niveau de la mer, et ce, en pratiquant la même activité. Durant une journée de repos en haute montagne, on observe en moyenne :
- Une perte de 150 ml d’eau dans les matières fécales
- Une perte de 1 500 ml d’eau dans l’urine
- Une perte de 400 ml d’eau par la transpiration
- Une perte de 400 ml d’eau par la respiration
Au total, ce sont environ 2,5 litres d’eau qu’on évacue a cours d’une journée de repos… Alors, imaginez le taux de perte hydrique lors d’une journée d’ascension du Kilimandjaro en pleine chaleur! Réf. : Haute altitude, du trek à l’expédition, p.87
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