Texte: Grégory Flayol
Photos: Étienne Beaumont
J’ai grandi dans un petit village de montagne dans les Alpes françaises. Chaque matin, en ouvrant les volets de ma chambre, ma journée commençait avec une vue sur la forêt en contrebas de la maison et devant moi, au loin, se dressait le mont Billiat, comme un château fort. Cette montagne représente le point d’ancrage de mes souvenirs; à chaque fois que je la revois aujourd’hui, un sourire se dessine sur mon visage et je me dis : « je suis à la maison ».
Il n’y avait pas d’aire de jeux dans mon village, pas de terrain de basketball ni de skatepark et encore moins de gymnase ou d’aréna. À l’école, les cours d’éducation physique se passaient dans le champ de Tintin, l’agriculteur du coin, et les tas de fumiers devenaient, pour un après-midi, synonymes d’obstacles pour la course de haies. Les sciences naturelles se déroulaient près de la cascade aux biches, un peu plus haut, où l’on fabriquait des cabanes à hérissons et où on prenait soin des quelques ruches appartenant à notre instituteur. Il n’y avait pas non plus de sorties scolaires au musée ou au biodôme mais plutôt des nuits en refuge, des randonnées, des courses d’orientation, et des classes de mer en Bretagne à pêcher les coquillages à marée basse.
Je me souviens des journées entières passées dehors avec mes frères à enfourcher nos vélos et partir à la pêche à la truite avec nos cannes à bouchon. Des cabanes dans les arbres, de la cueillette de champignons et de l’exploration toujours plus poussée de la montagne, tout autour. Notre punition c’était d’être obligé de rester à l’intérieur. Ces années-là représentent mes racines et sont les bases de qui je suis aujourd’hui.
Tout quitter
Et puis un jour, j’ai eu besoin de partir. Un besoin fort de découvrir le monde, d’explorer.
Je me souviens des mots de Serge Bouchard lors d’une conférence à laquelle j’ai eu la chance d’assister. Il parlait des premiers coureurs des bois qui voulaient absolument découvrir ce qu’il y avait après la lisière de la forêt, après les limites de la communauté, loin de l’église, des repères, des normes et du cadre; ils voulaient être libre et découvrir le BOIS. Ces mots-là ont raisonné en moi parce que c’est comme ça que je me sentais il y a 20 ans, j’avais besoin d’ailleurs.
Voilà comment j’ai posé mon sac à Montréal il y a bientôt 18 ans. J’y a trouvé des gens tous différents, une richesse culturelle unique qui a nourri mon besoin de découverte. Et puis, j’ai parcouru la province en long, en large et en travers pour y découvrir un territoire et un peuple. Aujourd’hui, c’est ici ma maison.
Nature réconfortante
En ces temps de confinement, je réalise que deux choses me manquent cruellement : la nature et les autres. Les homos sapiens que nous sommes doivent vivre en groupe et nous priver du contact avec les autres, c’est nous priver d’une partie de nous-même. L’homo sapiens que je suis, a aussi besoin de vivre dehors. Dans tous les souvenirs qui remontent aujourd’hui, dans toutes les choses que j’aimerais retrouver, le contact avec la nature est omniprésent.
Je rêve de pouvoir sentir de nouveau l’odeur de la pluie après un orage d’été, l’odeur de la terre et des feuilles mortes dans un sous-bois d’érables et de bouleaux à l’automne, le moment où ces petits flocons de neige glacée nous fouettent le visage au sommet d’une montagne, l’inconfort de mon tapis de sol lors des nuits dehors mais le bonheur intense d’admirer un ciel étoilé, l’odeur du feu de bois sur mes vêtements de retour à la maison, et surtout tous ces moments partagés avec d’autres qui ont un lien particulier avec le plein air.
En ces temps difficiles, je veux croire que tout cela sera encore possible dans quelques mois. Je veux surtout croire que nous pourrons même aller plus loin en mettant ces moments précieux au cœur de nos vies, de nos projets de société et de notre culture. On pourrait imaginer un demain où nous nous serons reconciliés avec la nature et où nous partagerons tout ce qu’elle peut nous offrir avec ceux qu’on aime.
En attendant, restons chez nous et puisons dans ces souvenirs pour forger l’avenir.
Grégory Flayol
Ayant grandi dans les alpes, jouer dehors a tout de suite été une évidence pour Greg. Amoureux du Voyage, il a découvert le Québec il y a 15 ans et c’est maintenant sa maison. Formé en éducation physique et en intervention sociale, il est aussi un professionnel du ski et du snowboard. Son rêve : transmettre à ses enfants sa passion pour le plein air. Aujourd’hui à Rando Québec, il est en charge de la coordination provinciale du projet Sentier National.
4 commentaires
Très beau texte Grégory. Je crois qu’après cette pandémie, nous serons pour la plupart d’entres-nous, plus près de soi, de la nature et des autres. Et c’est tant mieux!
Tout à fait Patrick, merci pour ton commentaire! 🙂
J’apprend à te connaître par ce beau texte et je suis bien content que tu occupes ce poste au sein de Rando Quebec. Le problème est que tu nous donnes le goût d’aller jouer dans nos forêts “défendues”. C’es comme montrer à des affamés les bons restauranrs de Québec. Continus ton beau travail Greg et nous, on ne sera pas toujours en confinement a lire…
Merci pour votre commentaire Réal! Je passe le mot à Greg.
On se retrouve bientôt sur les sentiers on espère. 🙂