Accrochés aux falaises de la rivière Rimouski, les sentiers du Terfa conjuguent points de vue spectaculaires et leçons d’histoire sur la drave.
Je ne peux retenir un frisson en contemplant la chute du Grand Sault qui gronde à quelques mètres du belvédère où je me trouve. Il y a plus d’un demi-siècle, des hommes charriaient des tonnes et des tonnes de billots de bois sur ce cours d’eau majestueux, prospère, mais ô combien hostile. Ces pensées à l’égard de ces valeureux draveurs ne me quitteront pas alors que nous parcourons les sentiers pittoresques du Terfa qui suivent le cours de la rivière Rimouski.
Situé à 35 km au sud de la ville éponyme, le Canyon des Portes de l’Enfer porte bien son nom. Cette gorge forgée par la nature s’étire sur près de 5 km à Saint-Narcisse-de-Rimouski. Ses parois abruptes atteignent jusqu’à 90 m de hauteur, offrant des points de vue vertigineux sur la rivière et les chutes grâce à un réseau de sentiers de plus de 20 km. Les sentiers rendent hommage aux draveurs.
Survoler le canyon
Le parcours le plus populaire est le sentier du Draveur. Long de 5,2 km, celui-ci mène à la plus haute passerelle suspendue au Québec! Y mettre les pieds est notre objectif du jour. Mon partenaire de randonnée et moi sommes les premiers sur le sentier, gracieuseté du petit camping rustique d’une dizaine de sites situés à proximité de la rivière. Nous y avons dormi comme des bébés, bercés par le doux rugissement du cours d’eau.
Plutôt facile, le sentier est très bien aménagé et offre de nombreux points de vue sur la rivière et les falaises. Des structures de bois rustiques – qui ne sont pas sans rappeler le riche passé économique de la rivière – nous permettent de nous approcher en toute sécurité des flancs du canyon et de contempler le chemin que le cours d’eau a creusé. Nous sortons nos jumelles pour mieux apprécier le panorama. Soudain, un mouvement attire notre attention : un pygargue à tête blanche survole le canyon. Woah!
Les installations rustiques en bois ainsi que les noms des sentiers sont un beau clin d’œil au travail des draveurs d’autrefois.
En peu de temps, nous atteignons la fameuse passerelle suspendue. C’est à notre tour de « survoler » le canyon. Je m’élance avec détermination, tandis que mon partenaire se montre hésitant. Heureusement, la vue prometteuse sur les Portes de l’Enfer le convainc de faire fi de son vertige et de me rejoindre sur le pont de bois, juché à 63 m dans les airs.
Construite en 1996, la passerelle du Canyon des Portes de l’Enfer demeure à ce jour le plus haut pont piétonnier suspendu au Québec.
Du côté de Duchénier
Après avoir admiré le panorama vertigineux avec des papillons dans le ventre, nous nous rendons vers les falaises de l’autre rive. Nous sommes maintenant dans la réserve faunique Duchénier. En 2019, ce vaste territoire prisé par les amateurs de chasse et de pêche a fusionné avec le secteur du Canyon des Portes de l’Enfer pour devenir le Terfa. Cet acronyme signifie Territoire d’expériences récréatives des forêts anciennes.
Au moment de notre visite, le sentier s’arrêtait ici, nous forçant à rebrousser chemin. Or, à compter de l’été 2022, exit le cul-de-sac de l’autre côté de la passerelle! « Les randonneurs seront les bienvenus du côté de la Réserve, puisqu’un nouveau segment de 2,5 km y sera inauguré », annonce Karen Guimond, directrice aux communications, marketing et opérations du Terfa.
Ce segment permettra de marcher en amont de la rivière jusqu’à la chute du Grand Sault. Les randonneurs pourront alors traverser de nouveau le cours d’eau, cette fois-ci à bord d’une nacelle motorisée, afin de compléter une boucle de 5 km.
Descente aux enfers
Pour l’instant toutefois, nous devons revenir sur nos pas. Avant de franchir de nouveau la passerelle, nous apercevons la fameuse « descente aux enfers » qui nous attend une fois de retour sur le sentier principal : 300 marches d’escaliers de bois accrochés à d’abruptes parois rocheuses qui mènent au fond du canyon. Une descente d’apparence périlleuse, mais qui ne l’est pas du tout en réalité, chapeau aux aménagistes!
Une fois notre décalade aux enfers réussie, nous atteignons le niveau de la rivière. Le couloir naturel surnommé les Portes de l’Enfer par les draveurs qui le redoutaient tant à l’époque prend alors tout son sens : les hautes parois de roc se montrent imposantes, voire oppressantes… La remontée fera chauffer nos quadriceps, seul vrai défi du parcours que nous bouclons peu de temps après.
Autres sentiers
Le sentier vedette du Terfa n’a pas épuisé nos batteries; nous partons donc à la découverte des autres parcours proposés. S’il n’est pas aussi vertigineux que celui menant au pont suspendu, le sentier du Grand Sault ne nous laisse pas indifférents pour autant. En dépit de sa courte distance, ce parcours de 1 km n’est pas chiche en belvédères offrant une variété de points de vue sur la rugissante chute du Grand Sault. Il est aussi possible de combiner ce sentier à celui du Draveur en empruntant le sentier du Portage pour 2 km supplémentaires.
À la tombée de la nuit, un spectacle de lumières mettant les cascades en vedette s’offre aux randonneurs. Malheureusement, lors de notre passage, les représentations étaient suspendues en raison de vous-savez-quoi. Nous avons pu nous rabattre sur les Portes d’Oniria, un parcours immersif qui nous fait entrer dans le monde enchanté des Pixies. Assez rigolo, merci! À compter de l’été 2022, la Route du Diable s’ajoutera à cette expérience immersive.
Durant notre week-end au Terfa, nous avons aussi exploré le sentier du Pin. Hybride entre le chemin forestier et le sentier pédestre, cette boucle de 8 km a été conçue pour le canicross, mais il fait aussi le bonheur des randonneurs qui apprécient les balades en forêt. La vedette du sentier est sans conteste le pin centenaire duquel il tire son nom. Le conifère est si imposant qu’il faut au moins trois personnes pour l’enlacer!
Au-delà du canyon
Le Canyon des Portes de l’Enfer est sans conteste ce qui attire les randonneurs dans l’arrière-pays de Rimouski, et il vaut amplement le détour. Toutefois, le Terfa a d’autres idées de grandeur. « Un des objectifs de la fusion des deux secteurs est de faire du Terfa une destination de plein air afin de garder les gens chez nous pour quelques jours », indique Monique Breton, directrice des activités touristiques . D’importantes subventions ont d’ailleurs apporté de l’eau au moulin afin que l’organisme à but non lucratif bonifie son offre récréative, notamment du côté de la réserve faunique Duchénier.
C’est une excellente nouvelle, car ce fief de pêcheurs et de chasseurs a beaucoup à offrir aux amateurs de plein air. Ce vaste territoire de 270 km2 abrite des forêts anciennes protégées et compte quelque 130 lacs. Le Terfa a bien l’intention d’exploiter ce potentiel.
Dans les années à venir, l’organisme entend créer plus de 80 km de sentiers pédestres pour la courte et la longue randonnée dans la Réserve. Ces parcours seront ponctués d’une variété d’hébergements : yourtes, prêt-à-camper, refuges, camping sauvage et avec services, etc. « Beaucoup de nouveautés sont à venir au cours des prochaines années! » promet Karen Guimond. De quoi convaincre les randonneurs de bifurquer de la Route des Navigateurs pour découvrir celle des draveurs!
MARILYNN GUAY RACICOT
Journaliste dans le monde du plein air, Marilynn Guay Racicot a la chance de vivre de ses deux passions : la randonnée pédestre et l’écriture. Sa mission? Dénicher des sentiers méconnus et les faire briller avec sa plume.