S’il y a quelque chose qui peut rendre une randonnée pédestre désagréable, c’est bien de s’imaginer rencontrer un ours dans le sentier. Parlez-en aux personnes qui ont peur des ours. Elles vous diront qu’elles ne font jamais de randonnée dans une région où il y a une possibilité d’en rencontrer un. C’est bien dommage, car elles restreignent sérieusement leur terrain de jeux!
La peur est un comportement normal et est reliée à un réflexe de survie. Cette crainte légitime de l’ours doit nous amener à prendre des mesures raisonnables pour nous protéger pendant notre randonnée en milieu forestier. Nous devons apprendre à connaître le comportement de l’ours et ne pas nuire à son équilibre naturel en négligeant d’entreposer notre nourriture ou nos déchets de façon sécuritaire.
Il y a des ours noirs dans à peu près toutes les forêts du Québec. On en dénombre de 50 000 à 70 000 selon les années. Si vous faites souvent de la randonnée, il est fort possible qu’un ours vous ait déjà observé, qu’il ait pris peur et ait déguerpi sans se faire repérer.
L’ours, animal timide, n’aime pas rencontrer des humains qui sont, à ses yeux, une source de problèmes à éviter. Les ours les plus téméraires sont morts dans les trois derniers siècles (l’homme blanc, avec ses armes à feu, a réduit considérablement le nombre d’ours en Amérique du Nord) et les plus peureux sont les seuls à avoir survécu. Il y a un problème quand l’ours n’a plus peur des humains, à la suite du comportement d’individus qui l’ont attiré avec de la nourriture. C’est un animal intelligent, capable de faire l’association entre nourriture facilement accessible et présence d’humains.
Rencontres non désirées
Deux types de rencontre sont possibles : en sentier ou au campement.
EN SENTIER : les rencontres sont généralement le fruit du hasard. L’ours a un comportement assez imprévisible dans ces circonstances et c’est le langage corporel de l’animal qui va vous renseigner sur la suite des choses.
- L’ours est nonchalant et continue ses activités sans se préoccuper de vous. C’est la situation la plus courante. Reculez lentement jusqu’à au moins 100 m et attendez qu’il parte. Ne tentez pas de passer près de lui pour continuer votre randonnée. Si vous entrez dans sa « bulle », son humeur peut devenir exécrable.
- L’ours donne des signes d’agitation : ses oreilles s’aplatissent, il frappe le sol avec ses pattes, souffle, grogne, claque des dents… C’est signe qu’il pourrait charger à tout moment. Il a peur et veut protéger son territoire ou ses petits. Reculez lentement tout en l’observant sans le regarder directement dans les yeux. Ne courez pas, car il pourrait vous prendre pour une proie. S’il charge et vous touche, défendez-vous avec tout ce que vous pouvez. Ne faites pas le mort. Ne montez pas dans un arbre; c’est inutile, car il grimpe plus vite que vous. C’est dans cette circonstance que vous allez regretter de ne pas avoir une bombe aérosol au poivre de Cayenne. On ne le répétera jamais assez : dans les régions où il y a des ours, on doit avoir une canette de poivre de Cayenne à portée de la main. Au pays des ours, il faut circuler en groupe serré de quatre personnes ou plus (conservez une distance maximale de 1,5 m entre chaque personne) pour avoir l’assurance qu’un ours ne vous chargera pas lors d’une éventuelle rencontre. Statistiquement, il n’y a jamais eu d’attaque contre un groupe de cette taille.
- Vous apercevez un ours qui court droit vers vous sans signe apparent d’agressivité. Vous avez rencontré un prédateur et vous devez vous défendre avec n’importe quoi (bâton, roches, poivre de Cayenne, etc.). Vous défendez votre vie. Cette situation est extrêmement rare, mais très dangereuse.
AU CAMPEMENT : par un beau soir d’été, un ours visite votre campement. Cette situation est totalement différente d’une rencontre en sentier. Cet ours connaît les humains, n’en a pas peur et cherche de la nourriture, car il en a déjà trouvé chez d’autres randonneurs négligents qui vous ont précédé. Cette situation est dangereuse et on doit prendre les moyens pour le faire fuir et le dissuader de revenir : klaxon à air comprimé (pour bateau), grenade assourdissante (Bear Banger), poivre de Cayenne, etc. pour lui signifier de ne pas rôder près de chez vous. S’il persiste à revenir, vous allez passer une nuit très courte. Pourquoi insiste-t-il tant? C’est peut-être que vous n’avez pas pris les précautions nécessaires pour entreposer dans un endroit inaccessible tout ce qui a une odeur. Pour un ours, tout ce qui dégage un « parfum » peut se manger. N’éteignez pas votre feu de camp avec un reste de soupe. Entreposez votre nourriture et vos déchets à 100 m de votre tente, suspendus entre deux arbres, à au moins 4 m du sol. Évitez les aliments qui dégagent des effluves de restaurant exotique. Ces charmants ursidés sentent vos aliments jusqu’à 3 km de distance. N’enduisez pas votre tente avec du poivre de Cayenne dans l’espoir de les repousser. Les ours aiment le goût du piment et vont venir lécher votre tente. À déconseiller fortement…
La pire situation que l’on puisse imaginer, c’est un ours qui entre dans la tente pendant qu’on y est. Si cela vous arrive, ne restez pas dans votre sac de couchage ni dans votre abri de toile. Pratiquez une ouverture dans la paroi de votre tente avec votre couteau et sortez! Ce sera plus facile de vous défendre. Vous avez affaire à un prédateur. Faites preuve d’une grande agressivité en utilisant tout ce que vous pouvez trouver pour l’attaquer. Frappez essentiellement le museau et les yeux, car les autres parties du corps sont peu sensibles aux coups. Heureusement, cette situation arrive très rarement. Il y a dix fois plus de risque de mourir foudroyé que d’être victime de ce genre d’attaque.
Souhaitons que ces renseignements démystifient les rencontres potentielles avec les ours et atténuent la peur que vous avez développée à la suite des récits spectaculaires véhiculés par les médias à sensation.
Jean-Paul Lahaie est bénévole à la Fédération québécoise de la marche et guide pour Rando Plein Air.
1 commentaire
J’ai lu votre article et ça m’a appris certains trucs. J’ai une peur excessive des ours. Je pêche le saumon avec mon mari depuis une dizaine d’années et à chaque fois qu’on s’éloigne un peu de la voiture je panique. J’adore ce sport mais en même temps…