La santé mentale est au cœur des préoccupations, ici et ailleurs. On entend souvent dire que l’exposition à la nature peut jouer un rôle important dans notre mieux-être psychologique. Examinons ce phénomène, qui s’appuie maintenant sur des fondements scientifiques.
L’expression déficit nature (déconnexion croissante avec le monde naturel), qui a été mise en lumière et popularisée en 2005 par l’auteur et journaliste américain Richard Louv dans son ouvrage Last Child in the Woods, a fait couler beaucoup d’encre au cours de la dernière décennie et, depuis quelques années, les initiatives innovantes pour convier petits et grands à passer plus de temps à l’extérieur se multiplient.
Texte : Sandra Mathieu – Photos : Dominique Caron
Des données probantes
Il importe, d’entrée de jeu, d’évoquer les centaines d’études scientifiques, réalisées sur plusieurs décennies qui confirment que l’augmentation du temps que nous passons en contact avec la nature peut avoir un large éventail d’effets positifs allant de l’amélioration de la santé cardiovasculaire et immunitaire et de la réduction du stress chez les adultes, à l’augmentation de la capacité cognitive chez les enfants ¹.
Nous nous intéresserons ici aux impacts sur la santé mentale, qu’on peut définir comme un état de bien-être au cours duquel les individus peuvent s’adapter aux facteurs de stress normaux de la vie tout en gardant une attitude positive.
Ces résultats sont entre autres ressortis d’une vaste revue de littérature scientifique réalisée en 2021 pour la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq) par une équipe de chercheurs de l’Institut de cardiologie de Montréal menée par le Dr Louis Bherer. Une méta-analyse récente (Kotera et coll., 2020) de 20 études sur les effets des bains de forêt sur la santé mentale montre une réduction significative de l’anxiété mesurée avant et après l’intervention. Il y a également plusieurs bienfaits psychologiques présumés de l’expérience en forêt : sensation réparatrice, diminution de la dépression et des émotions négatives, amélioration de l’humeur, augmentation de la vitalité et de l’attention et diminution de la fatigue.
La règle du 20 minutes
Avant d’aller plus loin, définissons d’abord ce que l’on considère comme une exposition à la nature. La nature, c’est tout ce qui compose l’environnement physique naturel. Cela inclut, sans s’y limiter, les étendues d’eau (p. ex., océans, lacs, rivières), les forêts, les montagnes, les arbres, les parcs, les jardins et les animaux ².
Nul besoin de partir en longue randonnée sur plusieurs jours ou encore de gravir les hautes montagnes du monde et se faire du bien à petites doses.
Des prescriptions nature
La Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin de famille et présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, en connaît un rayon sur le sujet. Elle est membre du collectif Prescri-Nature, inspiré de PaRx, une initiative de la BC Parks Foundation menée par des professionnels de la santé souhaitant améliorer la santé de leurs patients en les invitant à (re)prendre contact avec la nature.
En effet, en 2020, des médecins canadiens ont commencé à prescrire des « bains de forêt » à leurs patients et patientes souffrant de dépression ou de troubles anxieux, en leur remettant des cartes d’accès à des parcs nationaux. Les professionnels de la santé, en se basant sur les données de la recherche scientifique, ont de plus en plus recours à l’effet de la nature dans la gestion des soins, pour prévenir la maladie et pour améliorer l’état de santé général de leur patientèle.
Les recherches recensées par le collectif Prescri-Nature montrent que les personnes qui passent au moins deux heures par semaine en nature font état d’un meilleur état de santé et de bien-être. Pour maximiser les effets apaisants de la nature, une étude a montré que la baisse de cortisol (l’hormone du stress) la plus importante se produit entre 20 et 30 minutes, expliquant la règle des 20 minutes. De plus, 9 Canadiens sur 10 disent être plus heureux lorsqu’ils sont davantage entourés de nature, et les personnes qui se promènent dans des espaces verts plutôt que dans un espace urbain ont moins de pensées anxieuses (inquiétudes, ruminations, obsessions, doutes, craintes). Le fait de passer du temps dans les espaces verts de notre quartier nous permet également de nous sentir plus connectés à notre communauté et améliore la cohésion sociale.
Les recherches montrent également que les bienfaits de la nature pour la santé commencent à s’additionner lorsqu’on a le sentiment d’avoir vécu une expérience significative dans la nature, que ce soit en étant assis sur un banc de parc ou en gravissant le sommet d’une montagne. Bien sûr, la notion de « présence » est primordiale. Prendre conscience de la nature avec tous nos sens aura un impact beaucoup plus grand.
« Notre souhait c’est que les professionnels de la santé intègrent Prescri-Nature à leur arsenal thérapeutique », explique la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers.
Les prescriptions sont adaptées à l’environnement et au mode de vie du patient. Ça peut être aussi simple que de jardiner durant 20 minutes trois fois par semaine et de marcher jusqu’à un parc tous les deux jours. Plusieurs études ont démontré que le fait de prescrire la nature motive les patients à changer leurs habitudes de vie et à inscrire la nature à leur agenda.³
Caroline Laberge, médecin de famille, professeure agrégée de clinique à l’Université Laval et également membre du collectif Prescri-Nature renchérit : « L’idée ce n’est pas de médicaliser le fait d’aller jouer dans le bois, mais bien de démocratiser l’accès à la nature et de mettre en lumière les bienfaits, au même titre qu’on parle d’alimentation, d’activités sportives ou de connexions sociales… le temps passé en nature fait partie des piliers de la santé. »
La thérapie par la nature
De nombreux organismes et entreprises membres d’Aventure écotourisme Québec proposent des services d’intervention en contexte de nature et d’aventure. C’est le cas de Maïkana, un jeune OBNL du Saguenay qui a pour mission d’optimiser le potentiel et la santé mentale des participants par la nature et l’aventure.
« Nous avons une double compétence, c’est donc un croisement entre le travail social et l’intervention en plein air, fait valoir la fondatrice, Laura Ducharme, travailleuse sociale et chargée de cours pour l’AEC Intervention par la nature et le plein air, au Cégep de Baie-Comeau. Nos guides-facilitateurs sont tous membres d’un ordre professionnel, qu’ils soient travailleurs sociaux, psychoéducateurs ou psychologues. »
Leur objectif principal : favoriser la santé mentale positive, la (re)connexion à la nature, ainsi que la croissance individuelle et collective en encourageant la prise de risque mesurée, la résilience et la collaboration.
« Grâce à une préparation préalable avec les participants et à un soutien sur le plan thérapeutique, l’immersion en nature permet par la suite d’identifier des éléments que l’on n’aurait pas pu voir entre quatre murs; la nature devient donc un levier d’intervention, ajoute Laura Ducharme. La force du groupe apporte également des moments d’exception, car rapidement les masques sociaux tombent lorsque l’on sort de sa zone de confort. La nature est impartiale, elle ne juge pas, on y est tous égaux et ça nous ramène à notre vulnérabilité et à notre authenticité. »
Le saviez-vous?
Les prescriptions de temps en nature ont commencé aux États-Unis il y a plus de dix ans et se sont maintenant répandues dans de nombreux pays. PaRx a été le premier programme canadien de prescription de temps en nature fondé sur des données probantes. L’équipe de Prescri-Nature, basée au Québec, poursuit le développement de ce programme pour l’aider à prendre de l’ampleur dans le reste du Canada.
Cet article est initialement paru dans la revue d’automne 2024
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