Pour épater la galerie, c’est parfait. Marcher 250 kilomètres entre Ottawa et Montréal, est une aventure sans nul doute, particulière et audacieuse. Nous sommes loin de la marche du dimanche faite autour « du bloc ». On ne s’improvise pas marcheur de longue durée, car cette activité, avouons-le sportive, ne sollicite pas les mêmes muscles et ne requiert pas la même endurance que la randonnée en sentier. Sa constance fait toute la différence. Il faut y être entraîné.
Aussi, pas besoin d’être au bord du gouffre, d’une crise quelconque ou d’un burn-out pour ressentir le besoin de partir pour une aussi longue période. J’avais seulement besoin d’une vacance et d’un moment d’arrêt, moi qui suis active, vivante et amoureuse de la vie en général. Un simple besoin de m’éloigner dans l’espoir de revenir, reposée et plus détendue. Une marche de type « Compostelle » m’interpellait encore une fois, au plus haut point.
Alors, cinq amies de filles, habitant dans des régions différentes du Québec, ont pris, à des gares différentes le même train. Nous avons fait le trajet ensemble jusqu’à Ottawa, transportant avec nous, notre sac à dos qui respectait bien entendu, les normes du minimalisme demandé. Notre équipement était parfait, voire sur « la coche ».
Arrivées à Ottawa, nous en avons profité pour visiter les attraits des alentours et souper sur une terrasse animée du centre-ville avec, osons le dire ici, la fébrilité au cœur. Le lendemain débutait notre aventure.
JOUR 1 : Ottawa > Orléans – 22,5km
C’est sous un ciel aux 50 nuances de gris et une fine pluie que nous avons débutée notre périple, les bâtons aux mains et le regard déterminé.
Promenade Sussex, ambassade de France, résidence du premier ministre et du gouverneur général, Promenade Sir-Georges-Étienne-Cartier puis la piste cyclable de la rivière des Outaouais jusqu’à Orléans. Dieu qu’il faisait chaud !
Il faut savoir que nous faisons une marche inspirée du modèle “Compostelle”. Ce chemin est organisé en nous offrant des services dits “minimalistes”, de base. Nous ne dormons pas dans des hôtels et gîtes 5 étoiles. Loin de là. Aujourd’hui, nous logeons au sous-sol d’une église. Demain, nous serons dans une aréna. Nous traînons donc à l’intérieur de notre sac à dos, sac de couchage, vêtements, trousse de toilette et effets personnels.
Alléluia!
JOUR 2 : Orléans (Ontario) > Masson (Québec) – 15,2 kilomètres
Petite journée et beaucoup d’accotement de route. Le sac à dos est lourd, nous le ressentons sur le dos et les jambes. Nous avons traversé la rivière des Outaouais, de l’Ontario au Québec, de l’anglais au français. De la chaleur à l’air frais.
Nous sommes “low profile” ce soir. La météo annonce 80% de pluie demain et nous sommes prêtes.
JOUR 3 : Masson > Buckingham > Thurso – 22,2 kilomètres
L’accueillante madame Reine et son jus de sureau, le dîner au cimetière des Écossais, les chevaux, les vaches et notre rencontre à Thurso avec le démon blond, Guy Lafleur. Moins de pluie que prévu. C’est aujourd’hui que je me suis demandé: « Mais, qu’est-ce que je fais là? J’aime la misère ou quoi? »
Douche et cuisine. Le cœur est à la fête pour cette fin de journée.
JOUR 4 : Thurso > Plaisance – 15 kilomètres
Sublime journée dans le parc National de Plaisance. Katie s’est exclamée spontanément: “C’est le chemin du bonheur! “. Le décor était fabuleux. Verdure et rivière en toile de fond avec une multitude de nids de tortues.
Dans le dernier tiers de notre journée, nous nous sommes fait attaquer par des maringouins affamés. Les ampoules se multiplient, mais le moral est au beau fixe.
Nous nous endormons à la lumière de notre cellulaire.
JOUR 5 : Plaisance > Montebello – 25 kilomètres
Jusqu’ici, nos journées sont tapissées de confidences, d’échanges enrichissants, de rigolades et de silences. Nous adoptons une attitude positive malgré les blessures aux orteils, aux pieds.
Visite appréciée à la chocolaterie et fin de journée sur la terrasse du “Zouk” de Montebello. L’extase. Nous dévorons notre repas. La soirée est agréable, les discussions sont animées.
JOUR 6 : Montebello > L’Orignal – 26,1 kilomètres
Soleil et forts vents. Journée majoritairement en silence. Nous avons pris une pause chez John et Johanne, de gentils résidents de L’Orignal. Nous avons été reçus comme des reines, sur la terrasse de leur cuisine d’été aux allures « vintage ». Choix de breuvages et petit banc pour y déposer nos pieds endoloris. Ces gens nous ont accueillis avec une rare générosité de cœur.
JOUR 7 : L’Orignal > Chute-à-Blondeau – 21 kilomètres
Katie a rencontré un groupe de cyclistes ultras sympathiques et curieux face à notre aventure marchée. Accueil plus que chaleureux de Johanne du Centre Communautaire de Chute-à-Blondeau. Les pèlerines sont un peu plus bronzées. Abondance de générosité à notre égard. À 20h nous sommes cramées.
JOUR 8 : Chute-à-Blondeau > Rigaud – 23,5 kilomètres
Journée d’introspection pour la plupart d’entre nous. Depuis deux jours, je me sens en réel pèlerinage, en intériorité et en cheminement intérieur. J’accueille.
JOUR 9 : Rigaud > Hudson – 16,1 kilomètres
Mets l’imper, enlève l’imper. L’ambiance de marche est sereine et les maisons longeant la rivière des Outaouais sont magnifiques. Journée de chants d’oiseaux. À Hudson, la microbrasserie et sa terrasse nous permettent de relaxer à souhait. À 19h40 le ronflement de certaines marcheuses m’entraîne tranquillement dans un sommeil profond.
Mes amies sont extraordinaires. Nous vivons une amitié sincère, unique et profonde.
JOUR 10 : Hudson > Oka > Sainte-Marthe-sur-le-lac – 23 kilomètres
Traverser la SÉPAQ du parc National d’Oka, ainsi que la piste cyclable reliant Oka à Sainte-Marthe-sur-le-Lac furent des plus agréables. Un gros WOW! Cependant, près de notre destination, la circulation automobile nous agresse un peu. Nous nous récompensons d’un arrêt à la crèmerie. L’abondance de moments précieux nous tisse serrée.
JOUR 11 : Sainte-Marthe-sur-le-lac > Deux-Montagnes > Laval – 24,7 kilomètres
«Il pleut, il mouille c’est la fête à la grenouille!» On aurait pu râler, se rouler en boule dans un coin ou, prendre un taxi pour se rendre à destination. À la place, nous avons marché, chanté, dansé, apprécié, remercié.
Nous avons attiré quelques regards de pitié aujourd’hui, allant même jusqu’à nous laisser traverser, rues et boulevards avec grande compassion. Avouons-le, il est rare d’apercevoir 5 Quasimodos de Notre-Dame-de-Paris, en ligne, en pleine ville.
Aujourd’hui, « wouch-wouch » dans les snicks et orteils glissants. Quelle aventure !
Accueil plus que chaleureux de sœur Mariette et de sa petite sœur. Elles nous ont offert un potage maison, tellement réconfortant après une journée de pluie ! L’endroit est ultra propre et la douche, chaude à souhait. Nous apprécions cette dernière destination avec bonheur.
JOUR 12 : Laval > Montréal – 16,4 kilomètres
Derniers préparatifs et dernier rituel du matin. Nous traversons grandes routes, grands boulevards et rues. Nous sommes bien loin de la quiétude ressentie des deux dernières semaines.
À travers cette foule, nous nous sentons « weird » avec notre allure de randonneuse, ultra bronzées et équipées jusqu’aux oreilles. Nous sommes fières de nous, avec le sentiment du devoir accompli.
Arrivées à l’Oratoire St-Joseph en début d’après-midi. Moment ultrasensible et émotif, sachant très bien que nous devons nous séparer. Inutile de parler, nous nous comprenons dans notre silence.
En résumé, ce fut une expérience extraordinaire. Il est possible en 2022 de vivre quelque chose de sain entre humains, de respectueux et d’authentique, avec la volonté commune d’une vie meilleure pour soi et les autres. J’ai finalement réussi à « déconnecter » et me reposer. Plusieurs réponses sont arrivées à mon esprit, sans que je ne demande quoique ce soit. Je me suis déposée. Mission accomplie.
Le Québec se parcourt à pied aisément. Il se laisse découvrir village après village, richesse après richesse, rencontre après rencontre. Il suffit d’OSER. C’est un must !
De la gare d’Ottawa jusquà l’Oratoire St-Joseph : 255,3 kilomètres
Michelle Gaudet
Fondatrice et administratrice de « Marcher autrement au Québec »
Active et vivante, tout ce qui concerne le plein air la passionne. Le kayak de mer, la planche à pagaie, la marche de longue durée, le trekking en montagne, les randonnées pédestres, en bottes, en raquettes, en crampons. Les marches, nordique et afghane, le yoga, la méditation zen, tibétaine et vipassana. Curieuse de nature, elle aime aller à la rencontre des gens, découvrir le terroir québécois et admirer les mammifères marins du Saint-Laurent. Elle se plait à dire qu’elle n’a pas assez d’une vie pour réaliser tous ses projets et aspirations. « Marcher Autrement au Québec » est une de ses plus belles réalisations.
2 commentaires
Vous êtes très inspirantes. BRAVO pour votre accomplissent
Wow quelle belle expérience !
Je me prépare pour faire ce beau périple en mai 2023 avec une amie !