Lorsque le plaisir de la randonnée et le défi de la grimpe se rencontre
Pour beaucoup de randonneurs, dont je fais partie, accéder à un sommet et y admirer le panorama sur 360 degrés est le cadeau ultime de l’effort consenti. Or, les Rocheuses canadiennes sont un terrain de jeux quasi sans fin pour ce genre de défi. À l’été 2023, pour mes 60 ans, ma blonde et moi avons décidé de nous y rendre et de profiter de ces hautes montagnes.
Texte et photos : Éric Wagner
Nous recherchions donc de hauts sommets de 2000 mètres et plus. En consultant les tracés officiels, nous constatons que beaucoup des sentiers se terminent sur les crêtes inférieures laissant devant le randonneur ces hauts sommets rocheux et dénudés. Pour les grimpeurs que nous sommes, l’attrait de ces sommets est trop grand. Après quelques recherches, nous découvrons que plusieurs de ces sommets sont accessibles, mais non officiellement balisés. En effet, de nombreux topo guides (livres et sites internet) détaillent les tracés et le degré de difficulté de ces ascensions complètes. Mais attention, ces randonnées exigent souvent d’utiliser les mains pour grimper certaines portions avant d’atteindre le point culminant.
Scrambling
Ce type d’ascension qui nécessite l’usage des mains s’appelle scrambling. Il s’agit de randonnée de classe 4 selon la classification nord-américaine de randonnée, alpinisme et escalade (Yosemite Decimal System). Aussi, si vous avez le moindre mal des hauteurs, ces sections difficiles, souvent aériennes, ne sont malheureusement pas pour vous. Le scrambling est plutôt réservé aux personnes qui ont une assurance et une habilité certaines dans les hauteurs et les milieux rocheux. Les chutes, qui peuvent même être fatales dans certaines sections, ne sont pas une alternative. Avoir une bonne préparation, utiliser du matériel adapté et faire usage d’une extrême prudence sont essentiels à la réussite de ce type de randonnée.
Randonnées aériennes dans les Rocheuses canadiennes
Voici donc quelques-unes des randonnées « aériennes » que nous avons faites à l’été 2023 :
Le mont Outram
Entrée ouest du parc provincial Manning
Malgré une météo incertaine et quelques gouttes de pluie, nous entamons cette randonnée de près de 20 km aller-retour avec une dénivelée positive de 1800 m. Selon le topo et l’information trouvée, les quelques deux derniers kilomètres, soit les derniers 200 mètres de gain en altitude, sont les plus techniques et exigeants.
Après quelques heures à progresser sur un sentier forestier abrupte et continu, l’ouverture du paysage en une prairie alpine nous annonce la portion rocheuse non balisée. Le brouillard, de plus en plus épais, rend difficile la progression dans ce talus d’éboulis. Le tracé sur le GPS nous aide toutefois à garder le cap.
Voilà que le sommet est à portée de main. Une petite traversée sur une crête aérienne suivi d’un dernier petit mur rocheux, ou les mains aident notre progression, nous permet d’accéder au point culminant. Malgré le brouillard qui empêche toute vue sur les sommets avoisinants, se retrouver sur ce petit pic rocheux, à 2461 mètres d’altitude, nous comble.
Alors que le vent s’intensifie, c’est le sourire aux lèvres que nous entamons notre descente. L’aide du GPS est toujours nécessaire afin de ne pas s’égarer dans ce champ de roches englouti dans le brouillard.
Plus bas, dans les prairies alpines, nous avons toutefois droit à quelques percées de soleil. À ce niveau la vue est superbe et montre bien la mer de montagnes dans laquelle nous baignons pour notre plus grand bonheur. Après un peu plus de 8 heures dans la montagne, nous revenons au stationnement pleinement satisfaits.
Les monts Webb et Macdonald
Vallée de la rivière Chilliwack à proximité du parc provincial du Lac Chilliwack
Cette randonnée en itinérance d’une durée de trois jours permet de relier, par une portion non entretenue et non balisée, deux sentiers linéaires soit ceux de Radium lake et Mount Lindeman. Ce parcours d’aventure permet aussi l’ascension de deux sommets de plus de 2000 m, les monts Webb et Macdonald, de même qu’une traversé sur une crête rocheuse et dans un pierrier en terrain difficile.
Premier jour
C’est sous un soleil radieux, le long de la très belle rivière glaciaire Chilliwack, que nous empruntons une portion du sentier Transcanadien avant d’atteindre la jonction avec le sentier Radium Lake. Malgré l’été extrêmement sec (de nombreux feux sont toujours actifs dans la région à ce moment), ce sentier pentu, serpentant dans une superbe forêt mature, est entrecoupé de nombreux cours d’eau. Après plusieurs heures de marche, un peu plus de 17 km et 1300 m d’ascension positive, nous arrivons au site de camping sur la rive du lac Radium. Ici, plateformes pour tentes, casiers métalliques anti-ours pour la nourriture et toilette sèche sont à notre disposition.
Deuxième jour
La deuxième journée s’annonce encore très belle et le sentier, non entretenu à partir d’ici, est tout de même assez facile dans la portion forestière. Toutefois, nous nous retrouvons rapidement dans un talus rocheux où la pente forte rend la progression plus difficile jusqu’au col. La vue sur le mont Webb nous donne un avant-goût de notre ascension à venir.
Une fois au col, nous déposons nos sacs à dos et entamons l’ascension vers le sommet du mont Webb, via la crête, par le versant est, moins abrupte. Rapidement nous atteignons le sommet, à 2164 m, où une vue à 360 degrés s’offre à nous. L’omniprésence des feux de forêt dans la région laisse voir un important voile de fumée sur l’horizon. De retour au col, nous ramassons nos sacs et traversons vers le mont Macdonald avant d’entamer l’ascension dans un pierrier grossier. L’usage des mains est essentiel pour atteindre le sommet rocheux du mont Macdonald qui se dresse à 2247 m.
Après avoir mangé, nous avançons maintenant sur une crête en direction du mont Lindeman avant de descendre dans un talus d’éboulis abrupte formé de grosses pierres où, encore une fois, la progression est lente et précaire. À ce stade de la randonnée, l’orientation est difficile et l’usage du GPS est nécessaire à plusieurs reprises afin de pouvoir se diriger vers le sentier du mont Lindeman. Après plus de 8h en déplacement hors sentiers et 9 kilomètres parcourus avec une dénivelé positive de 1050 m, nous posons notre tente, non sans difficulté, dans un champ de roches. Le paysage unique de ce bivouac et notre souper de pâtes lyophilisés aux champignons nous font oublier notre fatigue et nos muscles endoloris.
Troisième et dernier jour
Alors que le vent et la pluie ont bercé notre sommeil, le réveil se fait dans un épais brouillard. Après un petit déjeuner au granola accompagné d’un bon café, le retour, tout en descente, se fait sans heurt sur un sentier balisé et des chemins forestiers. Ce sont 17 km, avec une dénivelée négative de 1350 m, qui auront été parcourus en un peu plus de 5 heures de marche avant de retrouver notre point de départ et boucler ainsi ce parcours d’aventure avec une grande satisfaction et des images pleins la tête.
Le Mont Uto
Parc national des Glaciers, camping Illecillewaet
Localisé dans les monts Selkirk, juste un peu à l’ouest de Roger Pass, le mont Uto est le voisin immédiat du mythique mont Sir Donald dans le parc national des Glaciers. L’ascension prévue de la face sud-ouest du mont Uto, à partir de la crête mitoyenne avec le mont Sir Donald, en est une de classe 5. L’usage de matériel d’escalade (chaussons, harnais, corde, coinceurs, dégaines, etc.) et une connaissance des techniques d’escalade en milieu non aménagé sont donc nécessaires dans certaines portions afin d’atteindre ce sommet qui culmine à près de 3000 m.
C’est donc avec fébrilité que dès 7h30 du matin, en cette première journée de septembre, nous sommes déjà sur le sentier Sir Donald en direction du mont Uto. Après seulement quelques kilomètres, le temps clair nous laisse une vue superbe sur les monts Sir Donald et Uto. Le sentier plutôt bien aménagé rend la progression assez facile pour les 4 à 5 premiers kilomètres. Le reste de l’approche, dans un pierrier abrupt, sans aménagement ni balisage, se fait de manière plus lente et beaucoup plus chaotique. Après bientôt 4 heures d’efforts, nous dînons sur la crête sous l’œil intimidant des 400 mètres de rochers restant d’ascension avant d’atteindre le pic sommital du mont Uto. Une fois les chaussons, le harnais d’escalade enfilés et le matériel de protection et d’assurage à portée de main, nous commençons la grimpe. Aérienne et très exposée, cette dernière portion nous oblige à alterner entre le scrambling et l’escalade. Malgré les épisodes de brouillard qui nous enveloppe, le paysage de montagnes et de glaciers qui s’offre à nous est grandiose. Une fois au sommet, Corinne complète le carnet d’ascension. À ce moment, complètement seuls dans cette nature hors norme, le temps n’a plus d’importance et nous restons un bon moment à contempler le spectacle.
Nous entamons finalement notre descente via l’arrête nord-ouest, soit à l’opposé de celle de l’ascension. Dès l’engagement sur ce versant, nous surplombons l’imposant glacier Avalanche, c’est à couper le souffle. Finalement, en l’absence de tracé sur le GPS, nous déambulons longuement, souvent en scrambling avec des vues très aériennes, sur et le long du versant ouest de l’arrête. Nous descendons finalement une coulée qui devrait nous permettre d’accéder à la vallée. Or, la longue descente s’arrête plutôt en haut d’une falaise d’une centaine de mètres. Deux rappels sur corde seront donc nécessaires avant d’atteindre un talus d’éboulis rendant accessible la vallée rocheuse. C’est donc au coucher du soleil que nous atteignons le sentier Sir Donald. Nous parcourons donc ces derniers kilomètres sous les faisceaux de nos lampes frontales. Nous retrouvons notre site de camping peu avant 22h30, soit après bientôt 15 heures dans la montagne, 1700 mètres de dénivelée positive et un peu plus de 16 km parcourus.
Quelque peu vidés mais comblés par une telle journée de plein air en terrain d’aventure, c’est sous une voie lactée étincelante avec des chips et une bière que nous récupérons quelques-unes des calories brûlées. La nuit sera bonne.
Au moment où cet article est paru sur notre blogue (13 août 2024) d’importants feux de forêts ont lieux dans la région de Jasper. Nous vous invitons à la plus grande vigilance et à planifier votre séjour en conséquence.
Cet article est initialement paru dans la revue d’été 2024
Ce numéro met à l’honneur des destinations où on peut randonner avec son chien!