Cet article est initialement paru dans la revue d’automne 2020. Cliquez-ici pour vous la procurer.
Je marche sur la plage de la Martinique qui relie Cap-aux-Meules aux Îles de la Madeleine. Le soleil brille bien haut dans un ciel complètement dégagé d’un bleu éclatant. On pourrait presque oublier que Dorian est passé par ici, mais en s’attardant un peu au décor, je remarque les déchets qui se sont accumulés un peu partout : du gazon, des bouées, du plastique… et même de la tuyauterie! Un peu plus loin, en passant près de la rue des Chalets, je ne peux m’empêcher d’aller regarder l’ampleur des dégâts. J’observe un décor désolant : des chalets complètement détruits, une rue dans un piètre état et plusieurs résidents venus récupérer ce qu’il reste de leur installation.
Texte et photos : Dominique Caron
Un peu partout, c’est le même constat : les îles ont perdu du terrain. Entre 1963 et 2008, le littoral des Îles de la Madeleine a perdu en moyenne 24 cm par an selon les études de la chaire de recherche en géoscience côtière de l’Université du Québec à Rimouski. L’ouragan post-tropical Dorian n’a fait qu’empirer la situation. Évidemment, pour les touristes comme moi, ça ne saute pas aux yeux tout de suite. La beauté des îles nous fait rapidement oublier la menace qui guette ce bijou du Québec, mais en y marchant pendant plusieurs jours, on s’attarde et on découvre.
Une destination mondiale
Leur réputation n’est plus à faire, les Îles-de-la-Madeleine font rêver les Québécois et les Québécoises… et les voyageurs de partout dans le monde. Même National Geographic a recommandé les Îles de la Madeleine parmi les 25 meilleures destinations mondiales à visiter en 2020.
Je l’avoue, j’avais moi-même une image très clichée des îles. Sur place, j’y ai retrouvé avec grande joie les cages à homards, les guédilles aux crabes, les grandes plages de sable, les collines couvertes de verdure et les falaises rouges…
À gauche : Coucher de soleil au parc du Gros Cap / À droite : Sentier du littoral
J’ai également découvert un milieu de vie effervescent où se côtoient la modernité et la riche culture acadienne. En plus de ses paysages champêtres et ses couchers de soleil éblouissants, les îles sont également le lieu de résidence permanente de plusieurs Madelinots. Et même si les plages s’étendent d’une côte à l’autre, les Îles possèdent également des forêts surprenantes, dominées par de petits résineux bien charnus. Toute cette diversité et cette richesse, il n’y a rien de mieux que de les découvrir à pied…
Marcher les îles
« Il y a de plus en plus de marcheurs aux îles », me confirme un Madelinot qui passait par là. C’est en partie grâce au Club plein air des Îles, dont les membres Fernande Petitpas et Carole Longuépée qui ont décidé, au printemps 2016, de présenter un projet de sentier de marche inspiré de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne. Résultat : dès l’été 2017, le balisage de ce long sentier de marche pèlerine était en place. Il s’agit du sentier Entre vents et marées.
Fernande sur le sentier Entre vents et marées
Suivre les flèches
L’ouragan Dorian venait à peine de quitter les îles lorsque je rencontre Fernande Petitpas au restaurant chez Armand. Le soleil brille et le ciel est d’un bleu éclatant. Qui pourrait croire qu’une tempête post-tropicale vient de faire des ravages ici? Pas moi, mais Fernande l’a tout de suite remarqué. Elle le constate tout au long de notre journée de marche, devant l’érosion du sol.
Nous abandonnons sa voiture pour aller commencer notre marche du côté de la plage de la Martinique. Aujourd’hui, nous combinons les étapes 4 et 5 du sentier pour nous construire une journée de marche sur mesure. Tout en découvrant le chemin à ses côtés, j’écoute Fernande m’expliquer les variantes du parcours. « Nous devons souvent revoir des sections du sentier. », reconnaît-elle. Elle sait que ce sera le cas pour la section passant devant la rue des Chalets, à Havre-Aubert, où des chalets entiers ont été détruits par la tempête. Même la route devra être fermée… « C’est pour ça que c’est important de suivre les balises. » rappelle-t-elle. Ces balises, souvent des flèches jaunes (comme sur Compostelle), sont omniprésentes tout au long des parcours.
Vestige du navire grec Corfu Island, échoué en décembre 1963
Le sentier du Littoral, à Cap-aux-Meules, qui fait également partie du parcours du sentier Entre vents et marées, a lui aussi vu son tracé redessiné. Les falaises s’érodent sous l’effet de la pluie et des vagues à marée haute, créant des écroulements de terrain de plus en plus fréquents. Même si la tendance est irréversible et qu’elle persiste année après année, il est possible de contribuer à ralentir l’érosion des îles. C’est simple en fait. Respectez les distances de 3 mètres à partir du bord des falaises et, si un sentier est fermé, respectez les indications et contournez l’ancien tracé. Croyez-moi, en s’éloignant des rivages, on peut aussi découvrir de surprenants paysages magnifiques!
Ce qui est fantastique du parcours d’Entre vents et marées, c’est qu’il a été conçu à partir de sentiers existants. Il combine ainsi plusieurs attraits connus (et méconnus) selon les secteurs : comme la fromagerie Pied-de-Vent de Havre-aux-Maisons, le phare du Borgot de L’Étang-du-Nord et la mine de sel Seleines de Grosse-Île. Voici quelques exemples de parcours à découvrir le temps d’une journée ou plus. Pour le transport, il est possible de laisser sa voiture à un stationnement et d’utiliser le service de transport public des îles (REGIM).
À gauche : Canneberges sauvages / À droite : Le phare du Borgot
À découvrir sur le sentier d’Entre vents et marées
L’étape 5
Les Caps (16,4 km) 4 heures / de L’Étang-du-Nord à Fatima
Le départ se fait à partir du Site de la Côte où on peut admirer en saison les bateaux de pêcheurs, juste devant le Monument aux pêcheurs et la statue de la Vierge, pour se poursuivre sur une superbe section cyclopédestre sur gazon jusqu’au phare du Borgot et au magnifique Cap Hérissé. Il est possible de s’arrêter à La Belle Anse, qui dispose d’un stationnement, ou de continuer jusqu’à l’Anse aux Baleiniers en faisant un crochet par la Baie du Cap-Vert.
L’étape 11
Havre aux maisons (18,3 km) 5 heures
Cette section débute à la Halte de la Dune-du-Sud pour ensuite mener jusqu’au chemin des Échoueries. En route, on s’émerveille devant les maisons typiques des îles, installées dans des décors enchanteurs. Près de la Butte Ronde, on découvre le coquet Phare de l’Échouerie pour terminer près de la Butte à Mounette, à la Marina de La Petite Baie.
Le Sentier du Littoral
Cap-aux-Meules (1,9 km)
Le sentier du Littoral débute tout près du port. On l’aperçoit de loin grâce à son belvédère en bois, culminant sur une butte verte. Du haut du belvédère, on découvre une carte qui illustre les différentes îles qui s’étendent autour. On voit très clairement la mystérieuse Île d’Entrée qui demande à être découverte. Ensuite, le sentier continue sur le bord de l’eau jusqu’au stationnement du chemin du Gros-Cap.
Je reste persuadée que marcher est la meilleure façon de voyager. Les plus solitaires se surprendront sûrement à discuter chaque jour avec de nouvelles personnes, et les plus pressés à s’arrêter pour savourer un paysage…
Dormir entre vents et marées
Pour l’hébergement, du côté de Grosse-Île et de Grande-Entrée, l’Auberge la Salicorne offre toutes sortes d’options : de la nuitée en chambre à l’hébergement insolite dans une bulle! On peut opter sur place pour un « forfait » qui comprend les repas (délicieuses cuisines traditionnelles) et une foule d’activités : de la randonnée, au kayak, en passant par la chasse aux vagues, et aux contes de pêche.
Du côté de Cap-aux-Meules, la capitale des îles, il y a l’incontournable parc de Gros Cap où les campeurs, et les adeptes de chalets ou de roulottes peuvent tous admirer de magnifiques couchers de soleil. Il y a également une auberge de jeunesse sur le site et, depuis peu, on peut dormir dans une miniroulotte! Toute une expérience! Le parc est également tout près de l’Île-du-Havre-Aubert.
Vue sur le village de Fatima
Toujours à Cap-aux-Meules, tout près de Havre-aux-Maisons, l’Auberge de jeunesse Au Paradis Bleu saura conquérir votre cœur. Là également, vous aurez toutes sortes d’options de nuitée selon votre portefeuille. Il s’agit d’une auberge de jeunesse pas comme les autres, où tous les âges se côtoient le soir le temps d’un bon souper commun contre une contribution minimale. Sur la rive, on peut faire des feux et dans l’espace commun, on profite de la table de billard et des nombreux divans pour discuter et échanger.
Bon à savoir
Le sentier est composé de 13 étapes, mais un itinéraire sur 8 étapes a été également mis à disposition. Il est possible de se procurer un cahier répertoriant les parcours et les sentiers de randonnées pédestres. Ce précieux outil de planification est disponible au coût de 25 $. Informez-vous auprès de l’Accueil d’information touristique de Cap-aux-Meules. Les chiens sont acceptés en laisse sur la majorité des sentiers, qui sont ouverts du 15 mai au 15 octobre.
Quelques termes
Estran : « Partie du littoral périodiquement recouverte par la marée. » (source : wikipédia)
Borgot : « le verbe borgoter, borgotter, bargoter, bergoter ou beurgotter a le sens de «crier». » (source : axl.cefan.ulaval.ca)
Gaboter, caboter : «aller de part et d’autre» (source : axl.cefan.ulaval.ca)
Pied-de-vent : « L’expression est utilisée aux Îles pour désigner les rayons du soleil perçant à travers les nuages. » (source : fromagesduquebec.qc.ca)
Dominique Caron
Après un baccalauréat en communication, Dominique flirte longtemps (et encore aujourd’hui) entre le monde du plein air et de la culture. D’origine abitibienne, c’est à Montréal qu’elle complète son DESS en journalisme et se lance dans la belle aventure de la vie de pigiste. Elle pratique aussi la photographie, d’ailleurs ses amis lui reprochent souvent de prendre un peu trop de photos (et de poser trop de questions) Dominique est responsable du contenu chez Rando Québec.