Chaque édition de notre revue, notre chroniqueuse Danielle Landry répond aux questions des lecteurs concernant la pratique de la randonnée et du respect de l’environnement. Elle agit comme consultante pour le programme Sans trace et est la fondatrice de De ville en forêt.
Robert demande : « Comment concilier la protection des sentiers et gérer les situations où ils sont devenus de vraies mares d’eau ou de boue, lorsqu’on en a jusqu’aux genoux? »
Cher Robert, votre question tombe à pic : les sentiers seront bientôt impraticables tant ils seront gorgés d’eau par la fonte de la neige et de la glace. Respecter les avis de fermeture temporaire est assurément la décision la plus judicieuse à prendre. Pour ma part, avertissement ou pas dans les réseaux sociaux ou sur les lieux, je préfère ne pas courir le risque de détériorer un sentier détrempé. L’expérience m’a enseigné qu’un sentier peut se transformer en bourbier dans les zones où le sol est resté plus longtemps gelé en profondeur, même s’il paraît bien sec au départ.
Comme votre question le suggère, les accumulations d’eau ou de boue ne sont pas qu’une réalité printanière. De fait, un sentier plus ou moins bien drainé peut s’envaser parce que l’eau ne parvient pas à s’échapper. N’empêche qu’on doit se préparer à ce que le réchauffement du climat entraîne des précipitations extrêmement abondantes que les sols compactés peineront à absorber. Vu le nombre de castors qui augmente sur notre territoire, on peut aussi s’attendre à ce que les inondations de sentiers causées par des barrages de castors soient plus fréquentes.
Je ne crains pas d’avoir les pieds sales et mouillés en randonnée. Je dirais même que cela me procure le sentiment d’être plus reliée à l’environnement, de vivre une communion plus authentique avec la nature. Tout comme vous, c’est plutôt l’effet du piétinement à l’extérieur de la piste que je veux prévenir. Alors, c’est tout simple, je marche dans les flaques en restant au milieu de sentier. Pour le faire en toute sécurité, il vaut mieux bien s’équiper. Des bottes ou des souliers de marche qui ont de bons crampons me servent à avoir une bonne traction dans la boue et sur toutes les autres surfaces qui offrent moins d’adhérence une fois mouillées comme les racines, les roches ou les trottoirs de bois. Mes chaussures sont fermées de haut en bas pour protéger mes pieds et mes orteils des dangers invisibles dans l’eau. Je porte des guêtres qui montent à mi-mollet ou au genou, et je les ajuste convenablement pour empêcher l’eau et la boue de passer. Mes bâtons de marche m’aident à garder l’équilibre sur les surfaces glissantes. Je m’en sers également pour repérer les obstacles ou les trous dans les flaques plus profondes.
Pas encore prêt à traverser de grosses flaques?
Les personnes qui ne sont pas prêtes à traverser de grosses flaques n’ont pas d’autres choix que de les contourner. Malheureusement, les déplacements hors sentier vont déranger la faune, causer des dommages à la végétation et éroder les sols dans pratiquement n’importe quel environnement. C’est donc un pensez-y-bien!
Une bonne dose d’attention et d’habileté sera requise pour arriver à tracer tranquillement son chemin sur des surfaces plus résistantes et dans des écosystèmes qui sont moins sensibles. Il faut s’en éloigner pour éviter d’accentuer l’érosion des sols et d’élargir le sentier. On veille à se déplacer sur des surfaces qui peuvent résister au passage répété de plusieurs randonneurs comme des roches, du sable, du gravier, des herbes desséchées, des feuilles ou des aiguilles ou des cônes de conifères. Tous les risques d’écraser accidentellement de jeunes pousses, des plantes rares, des mousses ou des lichens doivent être éliminés. Pour protéger les animaux, on s’écarte des rondins ou des amas de branches qui peuvent les abriter. On redouble de vigilance pour repérer les nids qui pourraient se trouver au sol. En s’appuyant sur ses bâtons de marche, on évite de s’agripper aux branches. On se penche et retire son sac s’il manque d’espace pour passer sans abîmer les arbres. Si chaque personne emprunte un chemin légèrement différent, il y a moins de risque qu’un sentier parallèle se forme.
En terminant, je ne veux surtout pas oublier de vous parler des graines et des brindilles des espèces envahissantes qui collent à la semelle de nos chaussures. Ces espèces nuisibles se propagent absolument partout et menacent la biodiversité. Avant de quitter un sentier boueux, j’utilise un grattoir ou une brosse à poils rigides pour déloger la boue dans les rainures et entre les crampons de mes souliers ou de mes bottes.
Bonne randonnée!
Vous avez une question pour Danielle?
Écrivez-nous à revue@randoquebec.ca