Cet article est initialement paru dans la revue d’automne 2021. Cliquez-ici pour vous la procurer.
Par Sandra Mathieu
Ceux qui s’intéressent de près ou de loin aux monts Groulx / Uapishka sur la Côte-Nord connaissent Guy Boudreau, à tout le moins de nom ou de réputation. Le guide par excellence de Uapishka, réserve de biodiversité située dans l’œil du Québec, s’est confié à Rando Québec alors qu’il lançait officiellement la nouvelle carte topographique du massif et qu’il se préparait à sa deuxième traversée printanière en juin dernier.
Guy apparaît dans l’écran de l’application de visioconférence avec ses yeux brillants qui révèlent à la fois une légère timidité et une passion débordante. Au fil des minutes qui s’écoulent, il dévoile également par son propos une grande humilité et son amour pour le partage des beautés du territoire, des questions liées à la protection et des défis qu’apporte aux randonneurs son terrain de jeu de prédilection.
La naissance d’une passion
« Je suis originaire de Gagnon et c’est seulement à la fin des années 80 que j’ai découvert les monts Groulx alors que pendant tout ce temps, ils étaient à 30 km au nord de la maison! lance d’entrée de jeu Guy Boudreau. J’ai passé mon enfance au cœur de la forêt boréale et, dans ce temps-là, la notion de plein air m’était totalement inconnue. Nous, on explorait et on jouait dehors, tout simplement! »
Cette période révélatrice coïncide avec l’ouverture officielle de la route 389. Guy décide avec quelques amis de visiter la petite ville minière qui l’a vu grandir, mais qui a fermé définitivement en 1984. Il raconte avec émotion comment ses parents ont tout perdu, tout comme de nombreux habitants de cette ville aujourd’hui enfouie sous terre.
« Depuis ce temps, les monts Groulx m’appellent et font partie de moi, confie-t-il. C’est au début des années 90 que j’y suis retourné pour faire une première randonnée. Il est alors devenu clair que je voulais un jour parcourir la route d’est en ouest, et mon projet de construction de camp a commencé à prendre forme », se souvient l’homme de 55 ans.
Crédit photo : Guy Boudreau
Sans plan précis, Guy, alors analyste-programmeur à son compte, se rend sur place à plusieurs reprises pour se familiariser avec le territoire. À chacun de ses retours, il consulte les cartes épinglées sur son mur et rêve de son prochain voyage durant lequel il trouvera peut-être enfin un passage.
« Un jour, j’ai repéré une grosse vallée et, accompagné de mon ami photographe Sébastien Larose, j’y ai passé 11 jours en 1992 et trois semaines en 1995. » Trois ans plus tard, Guy vend tout sauf ses bobettes et son équipement de plein air, installe une tente prospecteur pour l’hiver et plonge tête première dans l’aventure. Il parcourt la région du nord au sud en solitaire.
Après une traversée du Nunavik en solitaire en 2001, il coupe ses premiers arbres, et c’est en 2004 qu’il commence la construction de son camp. Pendant 10 ans, alors qu’il habite à Sainte-Agathe-des-Monts dans les Laurentides, il fait l’aller-retour trois ou quatre fois par année pour faire avancer les travaux.
La construction du camp en 2012 / Crédit photo : Guy Boudreau
L’année 2014 est une année marquante pour Guy. Une séparation et un arrêt de travail l’amènent à changer son mode de vie et à se rapprocher de la nature. Il s’établit officiellement dans son camp au pied des montagnes. « C’est là que j’ai trouvé mon équilibre, que j’ai réellement appris à me connaître et à mieux faire face aux situations anxiogènes. »
Le camp de Guy Boudreau / Crédit photo : Guy Boudreau
Sensibilisation et responsabilisation
Pour lui, la question à se poser quand on pense aux monts Groulx n’est pas Est-ce qu’on y va? mais plutôt Est-ce qu’on est prêt?
Depuis quelques années, Guy remarque l’engouement des gens à cocher sur leur bucket list les montagnes qu’ils vont visiter, sans avoir au préalable bien mesuré ce que le projet implique. C’est pour pallier ce manque d’information et pour diversifier ses activités qu’il a lancé au printemps dernier sa formation en ligne Comment bien se préparer à entreprendre sécuritairement la traversée des Monts Groulx en autonomie?
Au programme : les parcours, l’équipement, les campements, les moustiques, les animaux sauvages, les types de terrain, les communications, l’hypothermie, etc.
« Ça permet aux participants d’en apprendre plus sur l’ampleur du défi et de parfois réaliser que ce n’est pas obligatoire de faire la traversée; qu’ils peuvent commencer par une randonnée quotidienne sur les sentiers balisés autour d’un camp fixe pour se familiariser avec le terrain, le climat et l’équipement et pour pratiquer l’orientation dans un rayon sécuritaire et moins isolé. Ils peuvent ainsi prendre confiance en leurs connaissances et confirmer celles qu’ils doivent acquérir. »
S’éloigner de la performance et prioriser l’aspect plaisir et contemplatif de la découverte d’un territoire est avant tout ce que prône Guy Boudreau, qui est maintenant suivi par plus de 4 800 abonnés de son groupe Facebook « Amis des Monts Groulx ». Cette page a pour objectif d’informer les membres et de leur permettre de partager leurs expériences dans les monts Groulx. Pour Guy, chaque périple avec un groupe qu’il accompagne devient une réelle aventure humaine. Il est reconnu pour son accueil, sa générosité et son respect du territoire et des Innus.
Malgré tout le tapage médiatique sur les séjours catastrophes et les nombreux sauvetages et évacuations héliportés dans ce territoire de toundra alpine, plusieurs randonneurs néophytes se rendent encore aux monts Groulx sans savoir ce qui les attend. C’est pourquoi Guy et son équipe ont décidé d’installer une affiche indiquant Dangers réels afin de déclencher la sonnerie d’alarme dans l’esprit des gens qui s’y aventurent.
« On oublie malheureusement trop vite les catastrophes, et la plupart des expériences partagées sur les médias sociaux sont des expériences positives, alors on voit surtout les beaux côtés. Les gens ne sont pas nécessairement conscients des dangers et des difficultés : les moustiques, l’hypothermie causée par une météo changeante et un climat rigoureux, la désorientation occasionnée par une visibilité parfois nulle, etc. »
Nouvelle carte topo et projets dans la mire
Guy Boudreau n’est pas peu fier de la nouvelle carte topographique lancée en juin, qui permet de découvrir les quatre sentiers menant aux sommets toundriques. Il y a consacré près d’un an avec une équipe de bénévoles. Le projet a été rendu possible grâce à une campagne de sociofinancement qui a connu un succès instantané et avec la collaboration de plusieurs partenaires gouvernementaux.
Celui qui accompagne de petits groupes trois à quatre fois par année pour la traversée nord-sud concrétise en septembre le grand rêve qu’il caresse depuis 1992 : parcourir la totalité de la distance d’est en ouest, soit 80 kilomètres sur 10 jours avec un groupe de huit clients et accompagné d’un guide innu .
La protection de l’environnement et le partage des principes Sans trace sont partie prenante du discours de Guy Boudreau. Ce dernier participera d’ailleurs sous peu à des capsules vidéo diffusées par l’organisme Environnement Côte-Nord.
Amis des Monts Groulx
En s’abonnant au groupe Facebook « Amis des Monts Groulx », on manifeste son soutien à la Société des amis des Monts Groulx dans sa mission et ses actions visant la protection de l’ensemble du massif. La Société a également comme objectif d’aider à promouvoir ce territoire comme destination touristique pour la pratique d’activités de plein air non motorisées. La devise est : Connaître, comprendre et conserver.
On peut également devenir membre officiel : www.AmisDesMontsGroulx.com
Guy Boudreau accompagne des groupes et offre des services d’hébergement, de navette, de coaching et de formation par l’intermédiaire de son entreprise Aventure Uapishka : aventureuapishka.com
Les monts Groulx en bref
Voilà plus de 200 millions d’années, une météorite d’environ 5 km de diamètre a frappé le territoire, créant l’astroblème de Manicouagan, une dépression de 85 km, qu’on appelle aussi l’œil du Québec. Sur la photo satellite, les taches les plus claires sont les monts Groulx.
Le massif montagneux de 5 000 km carrés, situé dans la région de la Côte-Nord, fait partie de la chaîne des Laurentides, qui constitue la frange sud du Bouclier canadien. Situé à l’est du réservoir Manicouagan, il a été nommé en 1967 en l’honneur du chanoine Lionel Groulx. Le climat et la végétation sont de type boréal, mais se rapprochent de la toundra alpine sur les sommets. Les étés sont humides et pluvieux, et l’hiver peut être très froid.
Les principaux sommets sont le mont Veyrier (1 104 m) et le mont Lucie (1 095 m).
La traversée se fait dans l’axe nord-sud ou l’inverse. La distance moyenne est de 40 à 60 km et il faut prévoir quatre à cinq jours l’été et cinq à six jours l’hiver.
Il existe essentiellement trois points d’accès pour pratiquer la randonnée dans le massif:
- au kilomètre 335 de la route 389, au lieudit du camp Nomade;
- au kilomètre 365, au lieudit du camp Matsheshu;
- au kilomètre 349 et 352 (accès aux monts Harfang).
Une partie du massif est protégée par la réserve de biodiversité Uapishka (qui signifie en innu « plusieurs montagnes blanches » ou « sommets rocheux toujours enneigés »), dont la création a été annoncée en mars 2009 par le gouvernement du Québec.
1 commentaire
Salut
Est-ce que tu tu fais des excursions en ski de randonnée Alpine ?