Un bijou sauvage en Outaouais
La région de Pontiac, dans l’ouest de l’Outaouais, recèle un vrai bijou pour sa richesse végétale et faunique. La forêt Davidson semble avoir échappé aux assauts de l’humain, et rien de mieux que de l’arpenter l’hiver en raquettes avec un expert pour s’imprégner de sa majesté!
Texte : Anne Pélouas
Photos : Dominique Caron
Il ne nous aura fallu que quelques minutes de marche avec nos sacs sur le dos et nos raquettes aux pieds pour découvrir à quel point Louis Harvey est une véritable mine d’informations sur les terres publiques de la forêt Davidson, ses arbres majestueux et ses animaux résidents. Il faut dire que le vice-président de la Coopérative de solidarité Plein air Aventure Hélianthe habite depuis les années 1990 une maison collée sur la forêt, à Mansfield-et-Pontrefact, au nord de la rivière des Outaouais.
« Cette forêt était le terrain de jeu en plein air de notre famille et d’amis de la région. Ensemble, nous avons voulu développer une partie de ce territoire de 3 200 hectares entouré de terres privées, pour le rendre accessible de façon contrôlée, avec la coop créée en 2018 et un permis du ministère des Ressources naturelles du Québec ». Présidée par Guillaume Lavoie-Harvey (le fils de Louis), la coopérative a réussi, avec le soutien des bénévoles qui y œuvrent, à tracer 45 km de sentiers pédestres, dont 27 sont jusqu’à présent balisés, et le reste est identifié par des rubans. Tracer, c’est beaucoup dire, car on reste ici dans le domaine du hors-piste, avec peu de passages sur les pistes identifiées, qui sont rapidement envahis par la neige folle, comme nous pouvons le constater en suivant Louis durant trois jours, sur un circuit au nord-ouest de la forêt Davidson.
Balade en forêt ancienne
Sacs d’à peine 15 livres sur le dos, nous partons à l’aventure depuis sa maison, proche de la route 148 qui traverse le Pontiac. L’ancien technicien en protection des forêts contre les insectes et les maladies des arbres du Québec ne prendra pas de temps pour nous faire faire connaissance avec notre environnement.
À peine sommes-nous engagés dans une première vallée qui coupe la forêt vers le nord sur 1,7 kilomètre, qu’il nous invite à observer l’érablière à caryers que nous traversons. Quelques pins blancs de belle prestance et chênes à gros fruits agrémentent notre avancée joyeuse avant une bonne montée sur les hauteurs de la crique à Bonnah. Les glands des chênes sont la nourriture favorite des cerfs de Virginie, précise Louis, mais comme ils n’en trouvent pas beaucoup, ils cherchent à s’alimenter ailleurs, nous donnant plus d’occasions d’observer leurs comportements, notamment par les traces dans la neige.
En élévation, les roches du Bouclier canadien affleurent, et de précieux pins blancs et chênes rouges qui ont échappé à la coupe dans les temps anciens donnent son âme à cette forêt ancienne, non classée! On s’achemine gentiment vers le lac Canoe où nous attend une belle tente crie. Sacs accrochés aux arbres, le groupe file se balader au sud du lac sur le sommet d’une colline, admirant au passage des traces de pékan, puis la vue plongeante sur la rivière des Outaouais.
Nous rentrons par le lac Canoe, bien glacé, sauf là où débouchent des ruisseaux qu’il faut contourner. En plein mois de février, on dirait bien que le réchauffement climatique fait son œuvre! Pas question de chômer de retour à la tente : il faut dégager la neige qui s’est accumulée tout autour, à coups de pelle, de pagaie de bois, de raquettes, pour protéger la toile et éviter la condensation à l’intérieur quand le poêle à bois fera son œuvre. On apprendra aussi à « couper du bois à la volée », hache et bûche levées, avant de transporter le tout dans la tente pour alimenter le poêle.
Sur les traces des loutres et des pékans
Après un bon souper de camping d’hiver et une nuit emmitouflés dans nos sacs de couchage, dans l’odeur du sapinage recouvrant la neige sous nos tapis de sol, la deuxième journée débute par un copieux petit déjeuner avant la préparation de nos sacs à dos pour le départ. En route vers le deuxième camp « Presqu’île », nous passerons au pied de belles cascades de glace. Louis est comme un cabri. Malgré son gros sac à dos, il trace pour nous avec entrain le chemin dans la neige, mais stoppe à la moindre trace animale, l’examine et tranche : « Voilà une loutre qui a monté la pente en s’agrippant avec ses pattes palmées ». Plus loin, il trouvera le passage de la loutre en trace de descente à la façon d’une luge, puis celle d’un pékan à la grosse empreinte de pas doubles et allongés. Bizarrement, aucun signe de présence de cerfs de Virginie, pourtant nombreux sur le territoire.
En montée sur les hauteurs du lac Canoe, côté nord, Louis nous préparera un feu pour l’heure du lunch, avant que nous reprenions notre périple sur une crête de montagne marquant la ligne de démarcation des eaux. Une descente en forêt nous rapprochera du lac Presqu’île où une deuxième tente crie est installée au bord du plan d’eau. La routine s’installe : nettoyage de la neige à l’extérieur de la tente, buchage, installation à l’intérieur, préparation du souper, ultime regard sur le ciel étoilé, dodo au son des bûches qui crépitent…
Dans une dernière grande descente, on aperçoit une grande falaise. « C’est là que nichent les urubus à tête rouge », note Louis. La descente nous ramène au creux d’une vallée longeant la crique à Connely où nous attend un spectacle aussi inattendu que macabre. Le sol est tout à coup couvert de traces de cerfs de Virginie et de coyloups, hybrides entre les loups gris et les coyotes qui foisonnent dans la région. Les traces s’entremêlent de bas en haut sur un versant de la vallée, signe d’une course effrénée où un ou plusieurs cerfs ont tenté d’échapper à leurs prédateurs.
Puis viendront les traces de sang dans la neige et, finalement, la découverte macabre du peu qu’il reste d’un cerf de Virginie : sa jolie pelure blond et blanc et quelques os épars. Façon de rappeler aux pleinairistes que nous sommes en territoire sauvage : nous ne sommes que de passage tandis que d’autres espèces y vivent et luttent pour leur survie.
Infos pratiques
Coop Aventure Hélianthe
Forfaits guidés en raquettes
Circuit proposé : 22 km en trois jours
Projets 2024-2025 : la coop travaille présentement à la création d’une structure d’accueil et de quelques cabanes rustiques pour 4 personnes sur un territoire privé, jouxtant la forêt Davidson.
Cet article est initialement paru dans la revue d’hiver « ciel étoilé et randonnées »
Cet hiver, c’est l’occasion de s’ouvrir sur l’immensité de l’univers et du ciel qui nous entoure grâce à l’astronomie! Découvrez des destinations où allier les randonnées en raquette et l’observation des étoiles ainsi que des conseils pratiques pour photographier les aurores boréales.