Discussion avec Randy Murphy, président de l’Association East Coast Trail (ECTA)
Sur les côtes de Terre-Neuve, depuis la plage de Topsail jusqu’au village de Cappahayden, un sentier de longue randonnée de plus de 336 km révèle les splendeurs et les richesses historiques de la province la plus à l’est au pays. Créée par un groupe de gens passionnés, l’association qui maintient et développe les 25 tronçons du parcours célèbre ses 30 ans : trente ans de défis, de réussites et de résilience.
Texte et photos : Dominique Caron
Randy Murphy est président de l’association depuis ses tout débuts : mai 1995 précisément. Il marchait à l’époque sur les premiers sentiers de la East Coast Trail (ECT) avec son fils quand l’idée lui est venue de prendre part à cette initiative. Cette dernière vise, entre autres, à développer et à maintenir le long sentier qui relie plusieurs communautés du littoral terre–neuvien. « Me voilà, 29 ans plus tard. Le parcours aura été toute une aventure! », lance honnêtement Randy pour qui les rencontres et les humains derrière ce projet un peu loufoque ont motivé sa persévérance.
Maintenir l’accès
Comme au Québec, Terre-Neuve-et-Labrador est constituée d’un mélange de territoires publics et privés. Pour les sentiers de longue randonnée, le défi majeur est le même : maintenir l’accès et les droits de passage sur les terrains. Dans le cas de la East Coast Trail Association (ECTA), Randy explique qu’il n’y a pas d’autorité en place qui répertorie les propriétaires terriens. Ainsi, lorsque le sentier passe sur un terrain donné ou qu’il faut faire dériver un sentier sur un terrain adjacent, la recherche du ou des propriétaires peut s’avérer une vraie chasse au trésor… « Encore aujourd’hui, il arrive que des individus surgissent et se réclament propriétaires de terrains [où le sentier passe] », explique Randy, qui a aujourd’hui une assez bonne connaissance du territoire que sillonnent les centaines de kilomètres du sentier.
Devant ce défi, l’association a une approche très politique, qui passe par une formule bien simple : maintenir de bonnes relations. « Nous recherchons et consignons des données avec beaucoup de précisions. Nous sommes bien informés et en mesure de répondre à tout reproche qui nous est adressé. Nous ne nous choquons jamais. », explique Randy qui œuvre à temps partiel en tant que président de l’organisation en plus d’y être bénévole « à temps plein », comme il le dit.
Au-delà du sentier
L’une des missions de l’association est de faire rayonner le sentier. Elle le fait de plusieurs façons : en vendant des cartes des sentiers, des t-shirts, des adhésions, mais aussi en répertoriant les informations relatives au parcours, en recrutant des bénévoles et en organisant des corvées, et des randonnées guidées. Tout cela est le résultat de plusieurs dizaines d’années de travail d’abord porté par un groupe de personnes bénévoles motivées et un peu naïves, avoue Randy. « J’imagine que, avec du recul, on n’aurait pas pu prédire un tel succès. Avec nos gens, notre culture, notre histoire, notre littoral, nous savions que nous avions quelque chose de spécial. »
Aujourd’hui, la ECT est visitée par une diversité de randonneuses et de randonneurs d’ici et d’ailleurs. Que ce soit pour une sortie en famille, pour une aventure en solo ou pour s’initier à la longue randonnée, ce long sentier offre une formule adéquate. Chaque tronçon est identifié selon son degré de difficulté et, en guise de rappel, la ECTA a installé, à l’entrée de chacun, une pancarte (trailhead) qui indique le tracé, le nom du sentier, sa longueur, la durée du parcours, son degré de difficulté, le dénivelé ainsi qu’un rappel sur les pratiques Sans trace et les mesures de sécurité, et même un peu d’information sur les sentiers adjacents lorsqu’il y en a.
Sans surprise, c’est l’implication de nombreux bénévoles au fil des ans qui permet aujourd’hui d’embaucher quelques employés dédiés à l’aménagement du sentier, d’avoir une équipe permanente à temps partiel ainsi qu’un conseil d’administration engagé. En s’alliant avec les municipalités, les citoyens ainsi que des paliers de gouvernement comme le ministère du Tourisme, la ECTA a tranquillement mais sûrement fait valoir son caractère unique.
À ceux et celles qui ont douté
« On avait beaucoup de sceptiques. On s’adressait souvent à des gens qui faisaient la sourde oreille; personne ne croyait que [ce projet] serait attractif », se souvient Randy. Et pourtant, le succès a démenti les doutes puisqu’en 2013, au 19e anniversaire de l’organisation, 55 % de l’achalandage sur le sentier venait de l’extérieur de la province.
En 2010, le média de notoriété internationale National Geographic ainsi qu’une multitude d’experts en tourisme ont attribué la première place à la péninsule d’Avalon comme meilleure destination côtière à travers le monde. Cette presqu’île constitue la partie la plus habitée de la province et comprend la ville de St. John’s, sa capitale. Cette nomination plaçait la destination devant Wales, Hawaii, la Nouvelle-Zélande et plusieurs autres. Deux ans plus tard, le National Geographic liste la ECT parmi les 10 meilleures destinations d’aventure dans le monde.
Il a fallu trente ans pour stabiliser les 336 km du tracé actuel de la East Coast Trail. L’objectif du projet initial vise plus de 530 km de sentiers, mais pour l’instant, la priorité est de pérenniser les tronçons existants. À peine plus tard que 2022, l’association avait finalement ouvert les 52 km entre Topsail et Cape St. Francis, complétant ainsi les 336 km.
À la question « Que retenir de l’expérience de la ECTA? » Randy Murphy rappelle que « Le succès vient avec un rêve prometteur et la détermination d’en faire une réalité. Si tu crois en ce que tu fais, continue. Et le reste suivra. »
Cet article est initialement paru dans la revue d’automne 2024
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Dominique Caron
Après un baccalauréat en communication, Dominique flirte longtemps (et encore aujourd’hui) entre le monde du plein air et de la culture. D’origine abitibienne, c’est à Montréal qu’elle complète son DESS en journalisme et se lance dans la belle aventure de la vie de pigiste. Elle pratique aussi la photographie, d’ailleurs ses amis lui reprochent souvent de prendre un peu trop de photos (et de poser trop de questions) Dominique est rédactrice en chef de la revue Rando Québec.