DE LA BOUSSOLE AUX TRACÉS GPX
Une sorte de silence règne au Red Door Cottage, petite maison de Lake Placid que nous avons louée dans les Adirondacks. Ils sont six à s’être réunis ici pour une dizaine de jours d’examen dans le but de faire reconnaître leurs compétences de guide professionnel en randonnée pédestre par Rando Québec et l’Association canadienne des Guides de Montagne (ACMG).
PAR NICHOLAS BERGERON
Pendant que Christian pianote activement sur le clavier de son ordinateur à la recherche de la meilleure carte topographique pour la randonnée qu’il devra guider demain, Pier-Olivier prépare son plan de route dans son journal de bord. Fabrice, lui, passe son temps à sauter d’un site internet à l’autre à la recherche d’informations susceptibles d’améliorer le contenu des interprétations qu’il prévoit faire. À côté de lui, Jean-François est plongé dans ses livres de référence et son manuel de formation afin de s’assurer d’être prêt pour la prise en charge du groupe qui l’attend. Toutes ces tâches ont été entamées à l’unisson, sans que personne ne leur demande quoi que ce soit. Cela fait plus de trois heures que ça dure… dans une sorte de silence digne de la plus prolifique des ruches.
À les regarder travailler, leur rigueur et leur expertise sont impressionnantes. Les six candidats échangent des techniques, des outils, des astuces et de l’information en utilisant un langage bien propre au milieu. Ce sont des professionnels de l’encadrement d’activités de plein air et de grands adeptes de rando. Bien qu’ils soient mis au défi par cet examen, on les sent dans leur zone de confort, sur leur « X ». Demain, ils partent pour une excursion de quatre jours sur et hors sentier en autonomie. C’est leur examen final pour réussir leur brevet de guide professionnel de randonnée; ils sont prêts. Mais comment en sommes-nous arrivés à une telle situation dans la pratique et l’encadrement de la randonnée pédestre?
Évolution d’une pratique
En repassant le fil des nombreuses discussions de la semaine, il en émerge des constats saisissants quant à l’évolution du milieu de la rando. Quelques jours plus tôt, Lorie racontait au groupe tout le travail que représentait la planification d’itinéraire il y a à peine une quinzaine d’années. Une sorte de bricolage savant et parfois complexe avec des cartes papier topographiques assemblées qui demandaient recherche et précision. Le contraste avec la situation actuelle est frappant. Tout le groupe, ordinateurs portables ouverts, téléchargeait des tracés GPX précis sur des cartes topo ajustées au besoin spécifique de la randonnée en préparation et obtenues en seulement deux ou trois clics et autant de secondes! Tandis qu’à côté des cartes se côtoyaient des dizaines d’onglets de sites internet et applications de recherche, de CalTopo, en passant par les BaseCamp et Google Earth de ce monde. Cette précision dans la planification est assurément une évolution spectaculaire dans la pratique sécuritaire de la randonnée.
En pleine randonnée sur Catamount Mountain quelques jours plus tard, Christian partage au groupe des souvenirs de longue randonnée où aucun outil de communication n’était disponible; sauf peut-être une miraculeuse cabine téléphonique disponible sur le bord d’une route ou à une station-service. En pensant au système Inreach, aux téléphones satellitaires et cellulaires qui accompagnaient le groupe lors de cette journée, l’évolution technologique fulgurante des télécommunications saute aux yeux! Ces outils ont transformé la manière de faire de beaucoup de randonneurs et de guides de rando et améliorent grandement la pratique sécuritaire de l’activité.
Et, parlant de technologie, que dire des vêtements, bottes et équipements techniques confectionnés de tissus et matériaux ultra-légers, imper-respirants et j’en passe, qui sont venus prendre le relais des sacs de randonnée avec armature extérieure, des jeans et des running shoes!

Les valeurs sûres
D’autres moments ont plutôt démontré que de bonnes vieilles pratiques traditionnelles restent toujours d’actualité : utiliser une liste de vérification de matériel pré-départ, imprimer des cartes papier et les mettre dans des sacs Ziploc, doubler l’intérieur de son sac à dos avec un grand sac-poubelle ou avoir du duck tape enroulé sur une gourde ou des bâtons de marche et un fidèle crayon de plomb dans son sac. Bref, il y a de ces choses qui restent, qui ne changent pas et qui continuent d’être de bonnes astuces pour une rando réussie en toute sécurité!
Une conclusion émerge en cette veille d’examen : nous connaissons et gérons aujourd’hui mieux les risques – réels et perçus – associés à la randonnée pédestre. L’importance de s’informer, de se former et de développer des compétences et une culture de plein air responsable semble désormais faire consensus. Conscient, connaissant et compétent, le groupe de candidats démontre non seulement une passion pour « jouer dehors », mais aussi une expertise dans la pratique autonome et l’encadrement professionnel en rando. Tout en s’inspirant des savoir-faire du passé et en continuant de suivre leur intuition, le groupe termine de charger leur sac d’expédition. Comme une symphonie qui s’achève sur une belle note, les candidats à l’examen profiteront d’un dernier bon souper ensemble au Red Door Cottage avant de reprendre la route…
Légendes photo
- Nicholas Bergeron dans les monts Groulx © Dominique Caron
- Équipements indémodables © Pascal Picard