« Il s’agit de préparer les gens à pratiquer la pédagogie la plus appropriée pour faire cette transmission, en plein air, mais aussi dans d’autres contextes. Je me rends compte que les intervenants sont de plus en plus disposés à intégrer l’éthique du plein air à leur encadrement. », observe Danielle Landry.
DANIELLE LANDRY, POUR UNE ÉTHIQUE DU PLEIN AIR
C’est l’un des derniers jours de l’été et nous sommes au Parc Lahaie. Ce lieu était tout à propos pour parler de protection de la nature. C’est là que m’attend Danielle Landry, fondatrice de l’entreprise De ville en forêt qui joue un rôle essentiel dans l’éducation des publics à la réduction des impacts de la randonnée sur les sentiers et sur les milieux naturels qui leur servent d’écrin. De ville en forêt met de l’avant la connectivité entre la nature, urbaine et rurale, en rappelant que nous, êtres humains, formons un maillon de tout ce réseau naturel.
PAR ROSE CARINE HENRIQUEZ
Pour une personne qui dans son histoire, s’est intéressée aux droits de la personne et à l’éducation, il apparait évident que Danielle Landry intègre ces considérations dans son action en tant que citoyenne et militante. Mais aussi dans son implication professionnelle car pour elle, l’éducation, c’est « une manière pour les gens de développer une plus grande capacité d’action en ayant une meilleure prise sur le réel et sur les enjeux auxquels ils sont confrontés. »
La perte de biodiversité, et la pression constante sur les habitats de la faune et de la flore, les sols, les ressources en eau, sont des enjeux dont on commence à peine à prendre la mesure. Dans les écosystèmes qui sont en plus fragilisés par la pollution et les changements climatiques, la surfréquentation ou des comportements mal avisés des randonneurs viennent ajouter à cette pression. Des situations récentes comme celle de la forêt ancienne du parc du mont Wright, qui a dû limiter son accès pour préserver son environnement, rappellent que le risque de dégradation des milieux naturels doit être pris au sérieux.
Les souhaits de De ville en forêt
Préserver l’intégrité de la nature a été la source de création de De ville en forêt à la fin 2015. Sa mission est d’appuyer le rôle de celles et de ceux profitent du plein air à travers non seulement la prise de conscience de leurs impacts lorsqu’ils fréquentent les milieux naturels, mais également de ce qu’ils peuvent faire pour conserver la nature et pérenniser les sentiers : « C’est d’abord à travers l’expérience intime qu’une personne vit en milieu naturel qu’elle peut trouver sa propre motivation pour changer quelque chose dans son rapport de responsabilité ou de réciprocité avec la nature. C’est du moins ce que nous espérons aider à faire advenir. »
Pour pouvoir répondre à ce besoin et se lancer dans ce métier qu’elle adore, Danielle Landry est allée se former à l’éthique du plein air et aux sept principes Sans trace, qui visent à « transmettre des balises de décision et des techniques qui permettent de réduire les impacts écologiques et sociaux de leurs activités aux adeptes du plein air ». Le concept Sans trace est né aux États-Unis et découle d’une quarantaine d’années de recherches.
Après avoir observé son application au fil du temps, elle a cherché à adapter l’approche aux réalités québécoises et à élaborer des outils pour accompagner les milieux bénévoles et professionnels du plein air qui souhaitaient l’intégrer chez eux.
L’individu vs la collectivité
L’amour de la nature ne vient pas nécessairement avec le savoir-faire pour en prendre soin. Par exemple, le faux sentiment de confiance qui résulte en partie d’un suréquipement, selon Danielle Landry, peut conduire des personnes à repousser leurs limites au-delà de leurs capacités et à explorer cet environnement en adoptant des comportements aux répercussions dommageables.
Mais sait-on observer les signes de la nature pour comprendre les effets cumulatifs de notre passage ? Reconnaître les conséquences de l’accumulation de déchets humains le long des sentiers, du piétinement répété de la végétation ou encore de la cueillette intensive du bois de chauffage autour des sites de camping ?
C’est là que De ville en forêt entre en jeu avec son mandat d’éducation auprès des individus, mais également des groupes et des collectivités. L’éthique du plein air est devenue le moteur de l’organisation qui a à cœur la transmission d’un savoir, avec son programme de formation pour les intervenants, qu’ils soient des guides, des éducateurs ou des patrouilleurs. « Il s’agit de préparer les gens à pratiquer la pédagogie la plus appropriée pour faire cette transmission, en plein air, mais aussi dans d’autres contextes. Je me rends compte que les intervenants sont de plus en plus disposés à intégrer l’éthique du plein air à leur encadrement. », observe Danielle Landry.
Et quelle est la part des organismes qui accueillent les randonneurs sur leurs sentiers, par exemple ? Le défi de De ville en forêt est de sensibiliser et d’outiller ces organisations pour qu’elles puissent elles-mêmes offrir un support éducatif à leurs publics et appuyer le changement d’attitude et de comportement.
« La grande vision derrière tout cela est que plus il y aura de grandes organisations à tous les niveaux qui relayeront le message Sans trace et qui l’interprèteront selon les problématiques de conservation et de fréquentation sur leur terrain, et plus le message gagnera en efficacité. La volonté de bâtir la notoriété de ce message au Québec est plus forte que jamais. », croit-elle fermement.
Travailler à l’universalité des sept principes Sans trace va faire en sorte qu’ils soient plus rapidement reconnus comme une norme incontournable, croit Danielle Landry. « Il faut que l’éthique du plein air finisse par faire partie des priorités en matière de promotion et de développement du plein air. Ça vaut un investissement pour les rendre disponibles sur l’ensemble du territoire. »
Contrer un certain défaitisme
Face au scepticisme que certains peuvent avoir envers l’efficacité d’une approche éducative, Danielle Landry rappelle que le programme Sans trace, grâce à ses études, a montré que les gens étaient d’abord et avant tout remplis de bonne volonté. Le problème étant souvent qu’ils manquaient d’information et de compétence quant au comportement qui était attendu de leur part.
Mais l’éducatrice n’est pas accablée pour autant. « Je ne suis pas pessimiste, je suis impatiente, car le potentiel » humain est extraordinaire. Le savoir, il est accessible, il a fait ses preuves, mais je comprends que les processus de changement sont longs à mettre en place. » Ce qui l’encourage, c’est probablement le fait d’être en action et de voir la collaboration se développer autour d’elle.
Une grande première et un geste hautement significatif en ce sens est l’effort de Rando Québec, en collaboration avec Sans trace Canada, qui a publié le guide d’activités « L’éthique du plein air et les sept principes Sans trace ». De ville en forêt a lui aussi contribué en apportant son expertise pour adapter le contenu de cet ouvrage aux divers écosystèmes du Québec et à la réglementation en vigueur au pays.
Rose H. Carine
Journaliste indépendante curieuse de tous les sujets, mais critique arts vivants dans l’âme. Tant que les histoires se trouvent au bout des souffles, elle écoute et elle témoigne.
1 commentaire
WOW je suis impressionné par tant d’évidences portés par tant de mots!