En périphérie de Québec, la Côte-de-Beaupré recèle des sentiers pédestres étonnants, entre montagne, rivière et fleuve. Et leur richesse n’a pas d’égal lors de la flambée automnale.
Texte et photos : Marilynn Guay Racicot
À 8 h 30 tapantes, le navire lève l’ancre avec seulement cinq passagers à son bord pour le dernier trajet de la saison. L’air est plutôt frisquet. Je sors tout de même sur le pont pour admirer le fleuve abrillé d’un voile de brume et la capitale qui fait la grasse matinée en ce lundi férié de l’Action de grâce.
Depuis l’an dernier, les randonneurs de la région de Québec ont accès à une navette fluviale qui dessert, de juin à octobre, le Vieux-Port de Québec vers le nouveau quai de Sainte-Anne-de-Beaupré. Troquer l’auto pour le bateau afin de profiter de l’offre foisonnante de plein air sur la Côte-de-Beaupré? J’embarque!
À mesure que le centre-ville de Québec disparaît, les attraits de la Côte-de-Beaupré se dévoilent à bâbord. Pour une fois, mes yeux peuvent contempler la côte et, depuis l’onde, je découvre des paysages inédits. Au bout d’une heure trente minutes de navigation et de rêveries fluviales, j’aperçois la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré et la montagne éponyme qui s’imposent comme une apparition divine dans ce brasier automnal. Bienvenue à Beaupré!
On débarque sur le quai flambant neuf, dans l’épicentre de la ville. Les passagers qui ont opté pour un forfait comprenant l’Autobus du Quai peuvent monter à bord de cette navette terrestre pour faire l’ascension du Mont-Sainte-Anne ou pour découvrir l’impressionnant Canyon Sainte-Anne. En ce qui me concerne, j’ai un chauffeur privé qui m’attend (c’est-à-dire mon chum au volant de notre petite Nissan Versa 2009), car nous avons prévu de passer trois jours dans la région afin d’arpenter ses meilleurs sentiers. Premier arrêt : le Mont-Saint-Anne.
Côté montagne
Randonner dans un domaine skiable est mon pire cauchemar. Reste que ces monts équipés de remontées mécaniques possèdent un nanane que d’autres, plus sauvages, n’offrent pas : un panorama largement dégagé. Mon expérience de randonnée au Mont-Sainte-Anne à l’apogée des couleurs m’a permis de me réconcilier avec la randonnée en montagne de ski alpin. La mecque du plein air de Beaupré a compris qu’il faut utiliser les sous-bois pour combler les montagnardes comme moi.
Son secret bien gardé? Le sentier L’Escarpée qui, comme son nom l’indique, ne lésine pas sur le dénivelé. Le parcours est à mon goût : rustique, il se faufile sous la canopée dans une jolie forêt paisible offrant quelques percées visuelles. Loin des foules venues profiter des couleurs, nous atteignons rapidement le sommet en échange de bons efforts pour contrer la gravité. Ce dernier nous en met plein la vue : d’un côté, l’archipel de l’Isle-aux-Grues flottant dans le fleuve qui brille de mille feux; de l’autre, l’arrière-pays de Charlevoix et sa collection de montagnes. La descente sera en mode « paresseux » dans la télécabine pour ménager nos genoux. Tant qu’à être dans une station de ski…
Camp de base
Nous posons nos pénates dans le village de Saint-Ferréol-les-Neiges, à Auberge & Campagne. Ici, on entre dans l’univers de Patrice Drouin et de sa conjointe Lisa Linton, d’origine suédoise. Dans l’idée de dynamiser le village natal de Patrice, le couple bien connu dans la région a retapé ce bâtiment patrimonial datant de 1863 et lui a redonné ses lettres de noblesse en lui offrant une nouvelle vocation. Autrefois école primaire, puis magasin général, cette petite auberge chaleureuse et rustique est l’escale tout indiquée pour les pleinairistes à la recherche d’un hébergement douillet et sans flafla.
Dépourvu de restaurant, l’établissement accueille néanmoins le Bar chez Pat, où gens du coin et touristes se rencontrent pour le 5 à 7. Après avoir ratissé les sentiers environnants, rien de mieux qu’une bière locale en bonne compagnie. Bref, un camp de base confortable et idéalement situé pour s’amuser sur la Côte-de-Beaupré.
Côté rivière
Justement, le fabuleux sentier Mestachibo se trouve à un jet de pierre d’Auberge & Campagne. Après nous avoir concocté un petit-déjeuner gourmand à saveurs locales avec une touche suédoise, notre hôtesse nous offre gentiment de nous aider avec le transport de retour pour nous permettre de réaliser cette randonnée linéaire qui, avouons-le d’emblée, n’est pas à prendre à la légère.
Suivant les méandres de la rivière Sainte-Anne-du-Nord sur 22 km, un cours d’eau majestueux qui se faufile entre parois rocheuses et riches peuplements forestiers, le sentier Mestachibo (« rivière qui coule » en langue huronne) est divisé en deux segments linéaires : la portion est reliant Saint-Tite à Saint-Ferréol-les-Neiges et la portion ouest de Saint-Ferréol aux chutes Jean-Larose à proximité du Mont-Sainte-Anne. Nous avons exploré ce dernier segment; un parcours de près de 14 km qui se mérite. Monte. Descends. Monte. Descends…
Véritable yoyo forestier, le tracé respecte la topographie accidentée des lieux. Quelques escaliers de bois, aménagés à flanc de falaise, permettent d’accéder à des belvédères inédits surplombant la rivière. Le parcours nous fait visiter les deux côtés de la rive. Deux passerelles suspendues, longues de 70 mètres et patentées de cordage et de planches de bois, nous permettent d’enjamber les flots. Gens pris de vertige s’abstenir!
La forêt qui épouse la rivière est tout simplement éblouissante. Des feuilles rouges, jaunes, orange virevoltent comme des plumes avant de se déposer sur le cours d’eau scintillant, tantôt paisible, tantôt tumultueux… Ici, une petite plage de sable pour casser la croûte, là des rochers pour lézarder près de la rivière. Coup de cœur pour le secteur des Cathédrales, savamment nommé, où la rivière trace son chemin au pied d’imposants murs de roc. C’est sans équivoque : le sentier Mestachibo devrait se retrouver parmi les classiques d’automne de tout randonneur qui se respecte.
Au terme de quelques heures à crapahuter sur le Mestachibo, on aboutit au pied de la chute Jean-Larose. Nos mâchoires s’allongent : haute de 76 mètres et divisée en quatre paliers, elle est spectaculaire! Nos mâchoires s’étirent davantage lorsque nous apercevons la structure qui la borde : un escalier de quelque 300 marches flambant neuves, que nous devons gravir pour rejoindre le sommet de la chute et compléter le parcours, moins d’un kilomètre plus loin. Bâti dans les années 1980, l’escalier original a été fermé en 2018 pour subir une réfection complète. Sa cure de jouvence a été terminée l’automne dernier, permettant de rétablir l’accès à la chute et au sentier Mestachibo, deux joyaux de la Côte-de-Beaupré.
Côté fleuve
Après le Mestachibo, on se dit que ce serait pas mal de gratifier nos gambettes d’une balade plus douce, au bord du fleuve Saint-Laurent… Cap-Tourmente, non loin de l’auberge, est l’endroit parfait pour ça. Halte et aire de reproduction importante pour une grande diversité d’oiseaux, cette réserve nationale de faune prisée par les photographes fauniques et amateurs d’ornithologie abrite aussi quelques sentiers pédestres dignes d’intérêt.
Parmi les vingt kilomètres à explorer, nous foulons les trottoirs de bois du court sentier Le Bois-sent-bon pour rejoindre le marais intertidal. Nous sommes aux premières loges pour observer les grandes oies des neiges, qui sont en pleine migration. Ces dernières font escale à Cap-Tourmente en même temps que les couleurs, qui sont ma foi exceptionnelles dans cette mosaïque de paysages et d’écosystèmes contrastés.
Et une petite dernière pour la route? En direction opposée, le sentier La Falaise traverse la plaine et grimpe dans la montagne, où se cachent d’autres sentiers. Ce chemin pédestre de près de 5 kilomètres nous mène à un belvédère qui surplombe le territoire de Cap-Tourmente. Plaines dorées, marais côtier grouillant de vie, fleuve tranquille et flamboyante montagne… Voilà un tableau fidèle à la splendeur qui s’empare de la Côte-de-Beaupré en automne!
Cet article est initialement paru dans la revue d’automne « écologie et sentiers »
Pour ses 35 ans, la revue Rando Québec présente un numéro spécial Écologie et sentiers. En plus des rubriques habituelles, découvrez des initiatives des organismes dédiés à la protection de nos espaces naturels dans un dossier central d’une vingtaine de pages.
2 commentaires
Que c’est donc agréable de découvrir des sentiers (où les chiens sont admis!) à travers un texte bien écrit !! Amenez-s’en d’autres comme ça svp!
Il y a une belle chute à voir également à cet endroit. Tout près de dernier belvédère avec vue panoramique que vous avez mentionné A voir absolument…😊