En juin dernier, ma conjointe Karen et moi avons préparé nos sacs à dos, rassemblé tout l’équipement essentiel et enfilé nos chaussures de marche pour parcourir le Chemin des Outaouais pour une deuxième année consécutive. Cette aventure nous a conduits de la cathédrale Notre-Dame à Ottawa jusqu’à l’Oratoire Saint-Joseph à Montréal : une distance d’environ 243 kilomètres en 12 jours.
L’idée de parcourir un itinéraire que j’ai si souvent emprunté en autobus, en voiture ou à moto m’a toujours semblé un peu amusante et intrigante. Ce n’est pas du tourisme ordinaire; c’est quelque chose de différent, mais je me demandais encore quoi…
Texte : Yves St-Onge / Photos : Courtoisie du Chemin des Outaouais
Le Chemin des Outaouais s’inspire des célèbres « Camino » européens, tout comme plusieurs autres itinéraires de marche de longue durée au Québec. Il a été inauguré en 2005 par un groupe de passionnés de la randonnée pédestre sur de longues distances. Ce chemin serpente alternativement les deux côtés de la rivière des Outaouais, la traversant à trois reprises :
- de Cumberland (Ontario) à Masson-Gatineau (Québec),
- de Fassett (Québec) à L’Orignal (Ontario),
- et enfin d’Hudson (Québec) à Oka (Québec).
Il favorise les sentiers hors route qui longent la rivière lorsque cela est possible, ou les rangs de l’arrière-pays et les chemins de traverse entre les villages. Pour le marcheur, c’est une fabuleuse randonnée qui met en lumière les liens étroits entre le Québec et l’Ontario francophone, la beauté des panoramas, la diversité de la faune et de la flore, et l’immersion dans la vie rurale et agricole.
Le parcours et les hébergements sont soigneusement planifiés, et chaque jour, entre la fin mai et le début juin, 25 groupes de marcheurs et marcheuses, composés au maximum de 6 personnes, prennent le départ. Des personnes expérimentées accompagnent chaque groupe pour les premiers kilomètres afin de s’assurer que tout commence bien. Les itinéraires quotidiens, d’environ 20 km en moyenne, sont détaillés dans un topoguide qui identifie également les points d’intérêt et les endroits où des hôtes bénévoles nous offrent un banc, de l’eau, des toilettes ou simplement une conversation amicale.
Les marcheurs et marcheuses sont hébergés dans des églises, des centres communautaires, voire chez des particuliers. L’hébergement est simple : une salle ou un dortoir avec des matelas au sol, des oreillers et un accès à une salle de bain. La plupart du temps, des douches sont disponibles et une cuisinette permet de préparer les repas. Le confort est minimal, mais après une longue journée de marche, il est rare de voir les excursionnistes avoir du mal à trouver le sommeil.
La routine
Chaque personne est différente, et les routines varient un peu (certains sont plus matinaux que d’autres, par exemple) et évoluent parfois en cours de chemin. Le gite et l’itinéraire étant assurés, les repas sont souvent le premier sujet de discussion. Heureusement, monsieur Google n’est jamais loin et détaille partout les options disponibles : épiceries, casse-croute et restaurants. Quelquefois les options sont limitées et le chemin invite à la simplicité. D’autres fois, on fait des trouvailles épicuriennes qui deviennent d’autant plus appréciées.
Les marcheurs arrivent généralement aux hébergements en fin d’après-midi. Plusieurs vont alors en profiter pour laver leurs vêtements, faire un brin de toilette, soigner leurs pieds, ou pour faire du tourisme et quelques achats – mais pas trop loin. D’autres préfèrent s’offrir une sieste bien méritée. Personnellement, j’aime partager l’apéritif en discutant des tribulations de la journée, en planifiant la suivante et en spéculant sur la météo. Après le repas et les préparatifs pour le lendemain, les marcheurs rejoignent tôt leurs petits coins matelas qui, entourés de leurs bagages étalés et haubanés de leurs séchages, se transforment en autant de navires qui les emporteront au pays des rêves…
Ai-je mentionné que c’était plutôt spartiate?
À chacun son chemin
À l’image de la société québécoise, le Chemin des Outaouais s’est grandement sécularisé. Même si de nombreux lieux de culte sont visités en chemin, la quête religieuse n’est plus nécessairement au cœur de cette expérience. Les motivations de marche sont personnelles, aussi nombreuses que les marcheurs, peut-être même plus nombreuses. Certains marchent en solitaire, certains en groupe, et d’autres alternent : il n’y a pas d’attentes spécifiques.
La marche peut s’avérer difficile. Les distances parcourues peuvent être exigeantes si le corps ne s’y est pas adéquatement préparé. D’année en année, les expériences et les conditions météorologiques sont toujours changeantes : les longues pluies, les canicules, le smog de l’été dernier ou les crues printanières de la rivière requièrent des participants et participantes une capacité à s’adapter au moment présent.
Ce qui m’a le plus marqué lors de ma première marche, c’est la bienveillance qui s’est manifestée tout au long du chemin. Une bienveillance entre les gens, dans le respect des espaces personnels, mais aussi dans les échanges spontanés et le souci du bien-être de chacun. Une bienveillance dans l’accueil chaleureux des hôtes des haltes et des hébergements. Les commerçants et les passants admiratifs que nous croisons sont également empreints d’altruisme, certains nostalgiques de leur propre expérience sur un « Camino ».
Si la première année m’a profondément touché par la gentillesse que j’ai reçue, cette année, j’ai pris conscience de la contribution significative des marcheurs et du Chemin des Outaouais aux communautés et à la population que nous avons rencontrés. L’attente joyeuse de l’arrivée des marcheurs est palpable, et la générosité de tous et toutes est telle qu’on pourrait véritablement appliquer l’adage « Il faut tout un village pour élever un enfant » vu l’accueil chaleureux qui nous est réservé. Et les apports sont réciproques : la contribution des marcheurs est précieuse pour les communautés.
L’arrivée
L’effervescence de la zone urbaine de la grande région de Montréal peut sembler en contradiction avec l’expérience paisible du Chemin des Outaouais.
Mais cette transition progressive vers l’urbanité trépidante de la métropole permet au marcheur de réaliser comment l’expérience de la simplicité volontaire peut transformer sa perception de la vie quotidienne. C’est une occasion pour revenir à l’essentiel, pour trouver la sérénité au milieu de l’agitation urbaine.
En somme, le Chemin des Outaouais est bien plus qu’une simple randonnée. C’est une aventure humaine, une immersion dans la nature, une découverte de soi et des autres, une expérience de bienveillance et de partage. C’est une balade qui marque à jamais ceux et celles qui ont la chance de le parcourir et qui, au-delà des souvenirs indélébiles de sites et de rencontres, peut procurer un regain de sagesse et de sérénité.
Bref, on n’en a jamais trop! Alors, au plaisir de vous croiser un jour sur ce chemin extraordinaire!
A lire également sur notre blogue : un autre récit sur le Chemin des Outaouais!
Cet article est initialement paru dans la revue de printemps 2024
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