Charlevoix, une « destination rando »
Que vous soyez des spécialistes de la randonnée ou des novices, vous allez éventuellement arpenter les sentiers de Charlevoix… et vous allez même y revenir! Nous devenons vite accros à ses sentiers et à ses grands espaces! L’Acropole-des-Draveurs, le Mont-du-Lac-des-cygnes, le mont des Morios ou encore le sentier des monts du Lac-à-l’Empêche et Du Four sont des montagnes et des sentiers connus dont la réputation n’est plus à faire. Ils sont des références en randonnée pédestre et ils font la renommée des montagnes de Charlevoix. Mais ces sommets si imposants sont en réalité des géants bien fragiles qu’il nous faut protéger!
Texte : David Bernard
Photos : Véronimot, GUEPE, Becky Matsubara
Des écosystèmes alpins au Québec?!
Au-delà de leur réputation dans le domaine du plein air, ces magnifiques sentiers nous font traverser des milieux naturels bien spécifiques; il s’agit d’écosystèmes alpins et subalpins.
Par définition, ce sont des écosystèmes d’altitude que nous retrouvons au-dessus de la ligne formée par la cime des arbres. Il y pousse quelques épinettes blanches, des fougères, du kalmia et des bleuets! Mais plus nous grimpons, plus les plantes sont rares, fragiles et adaptées aux sommets. En effet, ces écosystèmes présentent des conditions similaires à celles que nous retrouvons dans les régions arctiques. Les forts vents, les fortes précipitations et les basses températures créent un environnement difficile pour la croissance des plantes ainsi que pour la biodiversité. Les sommets abritent une variété d’espèces très adaptées, comme la camarine noire, l’airelle des marécages, le saule arctique et de nombreuses espèces de lichens!
Nous y retrouvons aussi une faune bien caractéristique, comme le caribou, le lagopède des saules, le faucon pèlerin ou encore la rare grive de Bicknell. Nous vous invitons à ouvrir l’œil, à prendre le temps d’écouter, de toucher et de sentir toutes ces richesses naturelles lors de votre prochaine randonnée. Le sommet est un objectif, mais l’ascension peut aussi vous offrir une belle expérience en pleine nature. Soyez attentifs!

Lichen piétiné – © GUEPE
Un patrimoine national d’une grande fragilité
Nous mettons l’accent sur ces écosystèmes alpins, car ils font réellement partie du patrimoine naturel du Québec. Nous les retrouvons uniquement dans trois régions : au nord, autour des Monts Groulx-Uapishka, vers l’est, dans le parc national de la Gaspésie, et au sud-ouest, dans Charlevoix. Et au cœur de chacune de ces régions, ces écosystèmes prennent vie essentiellement dans des secteurs bien spécifiques! Une rareté exceptionnelle qui demande une grande précaution, en ayant conscience de sa beauté et de sa vulnérabilité.
Outre leur rareté, ces écosystèmes sont très fragiles et extrêmement sensibles au piétinement, au passage des roues, des skis, et aux marques laissées par les tentes, etc. La couche de sol est si fine, et parfois inexistante, que les plantes, les mousses et surtout les lichens sont très rapidement abimés et les sommets très vite dénudés. Et lorsque nous savons que certains lichens ne poussent que de 0,1 à 10 millimètres par année., il est crucial d’y faire attention!
En randonnée d’une journée ou en expédition, nous recherchons rapidement à l’approche du sommet, un point de vue, la place pour faire une belle photo ou encore le spot pour poser sa tente. Ce sont des réflexes souvent fatals pour le milieu surtout avec la répétition de ces gestes, d’une personne après l’autre.
Dans des écosystèmes aussi sensibles, les effets sont souvent irréversibles. Les conditions de vie sont déjà si intenses que la régénération, après une dégradation du sol, est extrêmement difficile.

Grive de Bicknell – © Becky Matsubara
Une mobilisation régionale
Les années de pandémie ont permis aux Québécois de découvrir ou de redécouvrir leur territoire, et le plein air a pris une belle place dans nos activités estivales. Dans Charlevoix, la randonnée est pratiquée par environ 75 % des visiteurs de la région (Source : Tourisme Charlevoix, 2022). Cet engouement n’est pas sans conséquences sur les sentiers et sur les écosystèmes des sommets. Les gestionnaires de sites font un travail incroyable pour maintenir le réseau de sentiers, mais les efforts de préservation sont encore à faire. Nous pouvons tous mettre l’épaule à la roue et faire notre part pour protéger ce terrain de jeu si vulnérable.
Depuis l’année dernière, une belle campagne de sensibilisation à ces écosystèmes montagnards a été mise en place dans Charlevoix. Elle s’appelle « Les hauts plateaux de Charlevoix et nous – Ensemble protégeons les écosystèmes ».
Cette campagne est portée par GUEPE (Groupe uni des éducateurs-naturalistes et professionnels en environnement), un OBNL qui œuvre en vulgarisation des connaissances et en sensibilisation aux sciences de la nature et au plein air.
Avec les organismes régionaux et nationaux comme La Traversée de Charlevoix, les zecs, les parcs nationaux de la SÉPAQ et bien d’autres, GUEPE a développé différents outils d’éducation à la fragilité des écosystèmes alpins et aux bonnes pratiques à adopter sur les sentiers.
Des outils de formation et de conscientisation ont aussi été créés pour les gestionnaires de sentiers, les guides et les pratiquants de randonnée. En outre, depuis l’année dernières, des brigades se promènent sur les sentiers pour jaser avec le public. Lors de votre prochaine randonnée dans Charlevoix, vous croiserez peut-être quelqu’un de chez GUEPE!
Par ailleurs, vous allez certainement voir l’un des différents panneaux de sensibilisation au départ des randonnées ou encore au sommet des montagnes. Ils sont installés sur la majorité des sentiers dont nous avons parlé en introduction. Ils invitent les randonneurs et les randonneuses ainsi que tous les groupes de personnes fréquentant la montagne à relever des défis et à prêter attention à ces écosystèmes fragiles!

Enfin, une baladodiffusion et des capsules vidéo vraiment courtes et vraiment cool à partager sont diffusées depuis cet été. Si vous souhaitez soutenir la cause, trois choses simples :
1. Relevez les défis de GUEPE et faites attention aux montagnes
2. Procurez-vous un bel autocollant des hauts plateaux à l’entrée des parcs et des zecs participantes
3. Propagez les bonnes pratiques, en partageant les différents contenus éducatifs de la campagne!
Pour tous les détails : www.guepe.qc.ca/les-hauts-plateaux
Il s’agit là d’un bel exemple de collaboration et de mobilisation régionale pour préserver nos sentiers, notre territoire et pour pratiquer le plein air dans le plus grand respect de notre environnement. Nous souhaitons longue vie à cette campagne et surtout longue vie aux hauts plateaux de Charlevoix!
Bonne randonnée à tous! Ensemble protégeons les écosystèmes!

Cet article est initialement paru dans la revue d’automne « écologie et sentiers »
Pour ses 35 ans, la revue Rando Québec présente un numéro spécial Écologie et sentiers. En plus des rubriques habituelles, découvrez des initiatives des organismes dédiés à la protection de nos espaces naturels dans un dossier central d’une vingtaine de pages.

David Bernard
Originaire de l’ouest de la France et charlevoisien d’adoption depuis plus de 15 ans, David est un passionné de nature et de randonnée. Du Massif central, en passant par les Pyrénées, les Chic-Chocs et maintenant les montagnes de Charlevoix, il recherche toujours une « véritable connexion » avec la nature.
Directeur régional pour GUEPE, dans la région de Charlevoix, il travaille avec passion à la mise en valeur et à la sensibilisation des richesses de notre patrimoine naturel québécois.